Influenceuses

J’ai regardé le reportage de Complément d’enquête « Clash, fric et politique : le vrai business des influenceurs » diffusé le 5 décembre dernier sur France 2. J’avais dans l’idée que j’allais découvrir un monde qui m’était totalement étranger avec la même incrédulité que dans ce reportage consacré à un célèbre animateur de télévision. Ce que j’ai vu m’a finalement moins dépaysée que ce que je pensais. Il y a le fric bien sûr, ces jeunes gens qui s’installent à Dubaï comme s’il s’agissait d’un véritable paradis. Il y a le côté « Je filme ma vie en permanence. » qui peut surprendre. Il y a enfin cette démonstration selon laquelle on peut vendre tout et n’importe quoi à partir du moment où l’on met les formes, c’est-à-dire si l’on sait jouer les codes socioculturels qui fondent la consommation de masse.
Ce n’est pourtant pas ce que je retiens de ce reportage. Je remarque d’abord que ces influenceurs sont essentiellement des influenceuses qui ont toutes en commun d’être des jeunes femmes très intelligentes qui savent exactement ce qu’il faut faire pour duper le monde et s’enrichir à ses dépens. S’il s’était agi de footballeurs, j’imagine que le commentaire off n’aurait pas été critique de la même façon ; que des hommes en short courent après un ballon pour des millions d’euros semble plus acceptable que des femmes qui arpentent les réseaux sociaux dans des tenues plus ou moins légères. Il est vrai que c’est moins rentable pour les secondes pour les premiers mais je crains que la réprobation que l’on sentait dans le commentaire ne faisait pas référence à cela.
Je remarque également que rien n’a été analysé de la docilité des consommateurs, ces pauvres drilles qui sont prêtes à acheter tout et n’importe quoi à partir du moment où on leur dit que, grâce à cela, ils, pardon elles, seront plus belles, plus désirables, plus reconnues socialement. Autrement dit, le reportage présente ces influenceuses comme de vilaines filles qui vont manipuler de gentilles filles avec cette nuance qu’à aucun moment il ne pose la question du système économique et social que cela valorise. La question a néanmoins été posée de l’implication de ces influenceuses dans la société de consommation. La réponse de l’une d’elles est très claire : elle n’est pas là pour remettre en cause le libéralisme, juste pour en tirer profit.
Est-ce cela, finalement, qu’on leur reproche, d’être les sorcières des temps modernes capables de manipuler les masses pour en tirer une gloire personnelle et un profit financier ? On le leur reproche, bien sûr, sans rien empêcher : la télévision publique n’est pas là pour faire de la contestation politique ; elle sait si bien entretenir le modèle culturel qui permet au libéralisme de prospérer, aux inégalités de se creuser que l’on aurait tort de croire que des reportages qui veulent dénoncer certains scandales, en fin de compte, ne font qu’entretenir ce qui la nourrit. N’est-ce pas, Gégé ?

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