Pourquoi je ne suis plus queer

Une amie aveugle m’a sollicitée sur le mot-sigle « LGBTQIA+phobie » car son lecteur d’écran y est hermétique. J’ai requis mes contacts sur Twitter (pardon, X) et la seule alternative proposée a été « queerphobie ». Déjà, je ne suis pas fan du LGBTQIA+phobie car effectivement peu lisible même à l’œil ; aussi parce que je ne suis pas convaincue que chaque situation qu’il recèle relève des mêmes ressorts politiques ; ce n’est pas si grave en termes de « résultats » ; l’exclusion, les discriminations, les violences sont là et, dans ce sigle à rallonge, je suis représentée par le « L » de lesbienne. En ces temps d’invisibilisation, c’est déjà ça de pris.
Quant à contracter « LGBTQIA+ » en « queer »… Il y a vingt-cinq ans, j’y aurais souscrit : je découvrais le mot en même temps que « gouine » et « butch » et son histoire politique allait bien à mes engagements aux côtés de l’homosexualité politique des héritiers du Fahr. « Queer » relevait du même processus d’identification par l’injure afin de la retourner pour construire le combat politique. Depuis, le Pacs, le mariage et la normalisation qui va avec sont passés par là, accompagnés d’un discours consumériste branchouille qui fait du queer un peu tout et n’importe quoi mais certainement pas un combat politique clairement identifié. Il reste bien quelques groupes activistes qui s’en revendiquent mais je n’en suis pas proche tant je peine à en cerner la cohérence (comment revendiquer pour soi le mariage en dénonçant par ailleurs l’ordre social ? Mystère).
Voilà pourquoi je ne suis plus queer. Ce n’est pas si grave ; je reste lesbienne avec mes rêves de révolution ; cela me tient bien chaud au cœur, car côté fesses, il semble que je sois définitivement hors jeu. Un effet de l’embourgeoisement généralisé ? Je le crains même si je m’en exonère autant que faire se peut.