Main-d’œuvre

Lundi 25 mars 2024, à l’occasion de la présentation du « plan » de la ministre des personnes âgées et handicapées contre la maltraitance dans les établissements recevant des personnes handicapées [plan que je n’ai pas trouvé sur le site ministériel], le journaliste de France Info indique que l’un des problèmes est, je cite, « le manque de main-d’œuvre ».
J’ignore si c’est l’ensemble de son propos qui m’a choquée dans la mesure où il ne connaissait clairement pas son sujet et où il rapportait un peu complaisamment les propos de la ministre et les constats faits lors d’un documentaire diffusé dimanche sur M6 que je n’ai pas regardé ; mais ce terme de « main-d’œuvre » pour désigner les personnels qui prennent en charge des personnes handicapées m’a semblé totalement décalé, et assez méprisant, comme si les personnes handicapées étaient une masse de matière qu’il s’agissait de façonner (à endurer le validisme ?)
Je suis allée regarder la définition de « main-d’œuvre », estimant que c’était peut-être moi qui avais une connaissance erronée de ce terme. Il renvoie directement au travail d’un ouvrier qui façonne un produit. Il peut représenter également l’ensemble des ouvriers. Si d’un point de vue marxiste on peut considérer que les personnels des établissements médico-sociaux sont des ouvriers, je serais fort étonnée que ce soit le type d’analyse que promeut France Info. Je maintiens donc que ce terme était méprisant à l’égard des personnes handicapées, et peut-être d’ailleurs aussi à l’égard des personnels concernés.
Ceci étant, tout ce que j’ai entendu autour de ce plan contre les maltraitances, la ministre comprise à 7 h 40 ce même matin, et les comptes rendus sur le documentaire de M6, ne m’encourage pas à l’optimisme. Personne n’a dit que c’est l’institution en tant que telle qui est maltraitante, et que la première chose à faire si l’on veut travailler à l’autonomie des personnes handicapées, c’est de leur permettre de sortir de ces centres d’hébergement, et centres de travail associés.
Cela, bien sûr, n’est pas audible par le plus grand nombre car, à chaque fois que l’on évoque cette question, on nous renvoie l’image éculée de personnes polyhandicapées qui, par préjugé populaire, ne peuvent pas vivre de manière autonome. Il y a aussi toutes les personnes avec une déficience mentale que d’aucuns refusent de considérer comme des personnes qui pourraient vivre en dehors de l’institution. Il va sans dire que cette déconstruction du modèle institutionnel ne pourrait se faire en un claquement de doigts ; cela requiert de transférer aussi les personnels « en ville » et de rompre avec des siècles de stéréotypes validistes ! Quand on voit la difficulté pour les femmes, soit la moitié de l’humanité, à s’exonérer des systèmes d’oppression afférant à la domination masculine, on peut craindre que la sortie du validisme ne soit pas pour demain. À moins que…
— On y va à grands coups de roulettes ?
Tu connais, Caddie, mon appétence pour la non-violence.
— Cela ne contraint pas l’action !
Quel bel activiste tu fais !