J’avais l’intention d’écrire un billet très sévère sur l’intensification thérapeutique suivie d’une autogreffe qui m’a valu seize jours d’hospitalisation en chambre stérile, un retour à la maison particulièrement difficile, une mise à plat qui a nécessité deux mois de convalescence avec une récupération compliquée en matière d’activité et d’alimentation. Cette phase est une phase normale dans les traitements. J’aurais pu y échapper grâce au protocole de recherche clinique que j’ai signé : au lieu de trois mois d’hôpital de jour, j’en ai fait six avec un traitement qui n’était pas de première intention. Au terme de ces six mois, la maladie est mesurée : j’entrais dans la branche où elle est considérée comme nulle. C’est une randomisation qui a décidé que je ferai l’intensification thérapeutique suivie d’une autogreffe (de cellules souches).
Au vu de la prouesse technomédicale que constitue ce traitement, je serais bien en peine de me plaindre. Mais je me suis plaint, essentiellement je crois car j’ai mesuré au fil des jours combien la communication officielle m’avait dupée. Depuis le mois de mars 2023, j’ai beaucoup entendu parler d’autogreffe mais jamais d’intensification thérapeutique alors que c’est le terme officiel. Le principe est assez simple : on commence par recevoir une chimiothérapie de cheval qui va empêcher la reproduction de certaines cellules notamment sanguines ; le lendemain, les cellules souches que l’on a prélevées trois mois plus tôt sont réinjectées dans l’organisme. Les cellules marquées par la chimio mettent cinq jours à s’autodétruire ; les cellules souches mettent onze à douze jours pour les renouveler ; entre les deux, on est en aplasie.
Les médecins insistent sur l’autogreffe : elle est l’élément fondamentalement positif de cette manipulation ; sans elle, ce n’est pas quinze jours d’hôpital, mais plutôt six mois. Ils sont toujours très optimistes sur la suite… Ils oublient de dire les douleurs, les nausées, les vomissements, les diarrhées, l’asthénie, le manque d’appétit, l’impossibilité même de manger parfois… Et la chute des poils du kiki ! J’ai découvert tout ça au fur et à mesure et, alors que je reprends mon traitement en hôpital de jour pour deux mois, je me rends compte que mon tube digestif notamment va m’embêter un certain temps. Alors je me plains…
Non, vraiment, je ne me plains pas de cela mais plus d’avoir le sentiment d’avoir été flouée ; une infirmière m’a expliqué que les malades se contentaient en général d’un à peu près, qu’ils s’intéressaient rarement au fonctionnement des traitements, encore moins à leurs effets indésirables. Pour ma part, j’ai tout découvert dans les dix jours qui ont suivi ma sortie d’hospitalisation et ça a été un choc terrible au point que si l’on m’avait demandé à ce moment-là ce que je ferais en cas de récidive et qu’on me proposait une autre autogreffe, je prenais directement un ticket pour les soins palliatifs.
Aujourd’hui, je ne me souviens pas plus de l’hospitalisation que quand j’en suis sortie, la morphine ayant fait son effet. Et maintenant, je sais. Je sais que je ne mangerai pas, je sais que j’aurai mal partout, je sais les troubles digestifs qui vont survenir, je sais les moments de grande solitude et de désespoir… Je sais aussi que j’ai surmonté tout ça, que finalement ce n’est pas très long trois semaines difficiles suivies d’un bon mois de remise en forme. Je sais que la maladie m’impose une hygiène de vie le doigt sur la couture du pantalon, hygiène de vie j’ai finalement toujours souhaitée : bien dormir, bien manger, bouger, y croire. Je sais que j’ai su faire face à chaque épisode de cette année de traitement. Je sais que je suis vivante. Je sais que la maladie est en rémission mais que rien n’est acquis. Je sais que je suis capable de faire ma part pendant que les médecins font la leur.
La seule chose que je ne sais pas c’est d’où je tiens cette capacité de résilience qui m’émeut. Si j’en ai l’idée un jour, forcément je vous le dirai.
Je vous souhaite une très bonne année 2024, la mienne sera belle, encore plus belle que les autres ; 2023 m’a tant appris ; j’en redemande.
Prenez soin de vous.