Bambi découvre la neige

J’ai regardé (en replay) le Complément d’enquête consacré à un animateur de télévision qui semble faire la pluie et le beau temps dans le Paf. J’étais curieuse de cette enquête car je ne suis les coups d’éclat de ce monsieur que de très loin et je voulais en savoir un peu plus, histoire de ne pas être complètement idiote dans les conversations le concernant. Le genre d’émission qu’il anime ne m’intéresse pas : je n’aime pas les « talk show », je les trouve trop empreints de violences verbales sous couvert d’humour bas de gamme et d’une grande faiblesse intellectuelle.
En ce qui concerne cet animateur de nombreuses fois sanctionné par l’Arcom, j’avais l’image d’un mauvais comique qui alimente de sa vulgarité tout ce qui se fait comme clichés et fausses évidences, ingrédients de bases des populismes. À ce titre, le reportage ne m’a pas déçue ; je crois même que j’étais en deçà de la vérité à tel point que j’en suis ressortie en me disant que vraiment, je ne vis pas dans ce monde.
Je pourrais jouer aux intellos détentrices de vérités incontournables pour dénoncer l’emprise de ce monsieur et de son mentor sur les médias. Je n’en suis finalement guère capable car tout ce qu’il défend ou représente m’est totalement étranger. Je regardais ce reportage comme si ce n’était pas ma langue qui était utilisée, comme si j’étais d’une autre culture, j’ai même envie de dire d’une autre civilisation. Je sais que ce monsieur plaît à beaucoup de mes concitoyens. Je n’ai pas envie de les juger ou de leur lancer la pierre. C’est leur problème. Le mien est que nous partageons le même espace social dans des univers à mon sens inconciliables.
Je dois pourtant connaître des personnes qui regardent cette émission et s’en régalent. Comment y croire ? Je me sentais lors du reportage telle Bambi qui découvre la neige, autrement dit tellement incrédule devant cet homme et ce qu’il incarne que je me dis que j’ai dû rater quelque chose dans l’évolution du monde ces soixante dernières années. Quand j’ai mené campagne pour les législatives, j’ai retrouvé l’incroyable sentiment d’avoir la possibilité de peser sur notre avenir commun. Fugace illusion. Je me sens à présent totalement ailleurs. J’en ai presque peur.
Et le caractère décousu de ce billet prouve, s’il était besoin, mon total désarroi.