Dans le cadre de ma prise en charge thérapeutique, on m’a proposé de faire du sport sur ordonnance conçu spécialement pour les personnes atteintes de l’affection qui m’occupe depuis presque un an déjà : l’idée est de permettre aux personnes malades de reprendre une activité physique, celle-ci étant un facteur essentiel dans la gestion des effets secondaires des traitements (la fatigue, la douleur, les problèmes de sommeil, etc.) en favorisant le bon fonctionnement métabolique. Je suis convaincue de cela et ne me suis jamais vraiment arrêtée de bouger même si certains moments ont été plus difficiles que d’autres.
J’ai accepté cette proposition par curiosité ; j’ai tout ce qu’il faut à la maison pour faire du sport et, entre ma formation du judoka et le suivi kiné depuis des années, je suis en mesure d’adapter mes programmes à ma condition physique et à mes besoins musculo-squelettiques. J’espérais dans ces séances apprendre des choses que je ne connaissais pas, peut-être des techniques nouvelles, une approche différente du corps et de ses dérives… Je dois bien avouer que j’ai été très déçue.
D’emblée, j’ai remarqué que l’appli dédiée et les supports de tests et de formation n’étaient pas adaptés aux déficients visuels alors que ces programmes s’adressent majoritairement à des personnes ayant passé 60 ans. Tout se fait en visio, ce qui n’est pas en soi un problème à partir du moment où les formateurs font de l’audiodescription. Elle est réduite au minimum et j’ai fait le test de faire des exercices totalement différents de ce qui était demandé et jamais je n’ai été reprise. Je ne sais pas comment cela s’est passé pour les autres, mais dans les deux séances que j’ai suivies, je n’ai pas beaucoup entendu de commentaires donnant l’impression d’un échange entre les participants (au maximum de quatre) et les enseignantes.
Je n’ai pas non plus trouvé le format très adapté, quarante-cinq minutes par semaine sans même disposer d’un petit mémo qui permettrait de refaire les exercices entre deux séances. C’est la raison pour laquelle j’ai dû très vite arrêter car hospitalisée pour l’intensification thérapeutique avec autogreffe. Le format ne m’a pas semblé en mesure de m’aider à reprendre une activité à la sortie de l’hôpital contrairement à mes routines sur lesquelles j’ai pu monter doucement en puissance, cinq minutes les premiers jours jusqu’à quarante minutes deux mois et demi plus tard. Certains exercices ne m’ont en outre pas convaincue de leur innocuité : commencer un échauffement par les cervicales et proposer des séances d’étirements à des personnes souffrant de fragilité osseuse ne me parait pas sans risque ; mais je peux bien sûr me tromper, je n’ai pas qualité de professeure en activité physique adaptée.
Il s’agit en effet d’une nouvelle compétence qui est très encadrée mais qui fait le lit à une économie du sport santé qui s’ajoute au sport adapté et au handisport. Tout le monde s’y met, ce qui est en soi une bonne chose si tant est que la méthode soit la bonne ; et si je parle d’économie, c’est parce qu’on sent bien dans la manière dont les choses sont proposées qu’il y a des affaires à faire. Tout cela est bien sûr financé par des fonds publics. Avec quel contrôle ? Je l’ignore. Je sais simplement que si cette nouvelle activité économique autour du sport et de la santé se développe de la même façon que ce sont développés le sport adapté et le handisport (et se sera sans doute le cas puisqu’il s’agit des mêmes interlocuteurs), cela se fera au détriment des patients, de leur autonomie, et de leur réel bien-être car quand on pense une activité en termes comptables, sa qualité est rarement au rendez-vous.
J’en ai pour preuve une autre expérience récente que je ne vais pas pouvoir vous raconter au moins pas tout de suite. Étant donné les acteurs impliqués dans cette expérience, je me dois à une certaine obligation de réserve au moins le temps d’en démêler les nœuds.