Poubelles

La grève des éboueurs parisiens, plusieurs semaines durant, a fait beaucoup parler les responsables politiques bien sûr, avec une instrumentalisation par le gouvernement des désagréments avec l’aide bienveillante des médias. L’occasion était trop belle pour les candidats à la succession de la maire de lui tirer dans les pattes alors que sur le terrain, les Parisien·nes sont restés plutôt solidaires de leurs éboueurs. L’acmé a été atteint avec des reportages sur les « pauvres petits handicapés » qui ne pouvaient plus circuler sur les trottoirs, comme si, en temps ordinaire, cela leur était facile. Passons.
Vu des trottoirs, c’est surtout le comportement des Parisien·nes eux-mêmes qui interroge. En temps ordinaire toujours, ils sont un certain nombre à jeter leurs encombrants sans faire appel au service gratuit de la Ville rivalisant avec les entreprises qui ne respectent pas la réglementation pour les déchets de chantier, à ne pas utiliser les corbeilles de rue ou en les remplissant de déchets ménagers, à utiliser les bacs de tri jaune comme des bacs ordinaires (et réciproquement), à ne pas emballer correctement leurs déchets, autrement dit à se comporter comme des sagouins tout en s’égosillant contre « l’inaction de la Ville ».
La grève n’a rien changé à cela et, dans ce que j’ai pu observer, deux camps se sont opposés : les citoyen·nes et les sagouin·es. Sur les trottoirs, il y avait véritablement deux types de « tas » : ceux, bien propres, alignés comme à la parade le long des trottoirs, avec des sacs bien fermés ; les autres, en vrac, formant des monticules, avec des déchets, notamment alimentaires, hors sac, qui dégoulinaient sur les trottoirs et la chaussée. Je n’en prendrai qu’un exemple.
Le long de la grille d'un square, une vingtaines de sac poubelles grande capacité sont empilés les une sur les autres. Le trottoir est propre.En bas de chez moi, au bout d’une semaine de grève, des « jeunes » ont sollicité la responsable du jardin partagé pour récupérer des outils afin de nettoyer le trottoir et mettre en sac les déchets épars. Le résultat était magnifique ! Ce tas de sacs a été alimenté par d’autres sacs bien fermés, très exactement jusqu’à ce que mon gardien prenne une semaine de congés. Le rôle des gardiens est en effet essentiel dans la bonne tenue des tas d’ordures : la plupart font en sorte de ne pas tout sortir, invitent les riverains à conserver leurs poubelles chez eux, contrôlent les débordements…
Il n’en est pas de même des sociétés qui s’occupent de l’entretien des immeubles avec une personne qui passe en vitesse sortir les poubelles : peu lui chaut les conséquences de son travail ; elle est payée pour sortir les bacs, elle les sort, quoi qu’il arrive. C’est ce qui c’est passé chez nous, notre bailleur n’ayant pas remplacé notre gardien, préférant utiliser les services d’une société externe : voilà le résultat huit jours plus tard.
Au même endroit, sur une quinzaine de mètres, un amoncèlement d'ordures non emballées près de conteneurs débordants non alignés, des sacs fermés, des encombrants… L'accès au square et à un local attenant est contraint.
Cela fait longtemps qu’au slogan « Paris est sale », la Ville oppose « Les Parisien·nes sont sales », analyse que je partage largement et que cette grève démontre, comme le démontrent également les chutes de neige ou les épisodes de verglas : les comportements individuels, ceux des professionnels et le respect de la réglementation sont au cœur de la question de la propreté de notre ville : si chacun emballe ses déchets, respecte les heures de collecte, réserve un créneau d’encombrant, utilise les corbeilles de rue, trie correctement, utilise comme il se doit les déchetteries, alors les éboueurs peuvent faire grève des semaines durant ; nos trottoirs resteront praticables et les corneilles auront moins à manger !