À l’occasion d’une distribution de tracts pendant cette courte campagne des législatives, je bavardais avec une jeune amie que je n’avais pas vue depuis quelque temps. C’était agréable de se retrouver ce d’autant que nous étions au pied d’un nouvel espace vert qui donne fière allure à la place de Catalogne (même si je regrette toujours qu’une œuvre d’art en ait fait les frais). Cette jeune amie me demandait des nouvelles de ma santé. Comme elles sont bonnes, nous avons abordé le sujet de la relation amoureuse sur un ton blagueur.
Je lui témoignais mon désintérêt pour la chose. Elle me faisait alors remarquer que les amours lesbiennes se prêtent volontiers au soin. J’ai sitôt réagi, vous vous en doutez, en arguant que je n’avais pas besoin d’une infirmière car j’avais tout ce qu’il me fallait à la Pitié-Salpêtrière comme à proximité de mon domicile. J’ai évoqué la question du désir, l’impératif voire l’exclusive pour moi qu’il soit le centre de la relation amoureuse, indiquant au passage qu’en l’état actuel des choses je n’y étais pas prête.
Elle m’a alors suggéré de simplement me laisser faire et « offrir mon corps », ce qui ne requiert pas grande énergie. La réponse m’a, en quelque sorte, sautée à la conscience : mon corps, on me l’a tellement pris ces dix-huit derniers mois que j’aspire avant tout à le retrouver : chirurgie, prélèvements à gogo, perfusions, traitements per os, autogreffe… Pour le coup, le désir se présente sous l’angle d’une reconstruction, d’une étape dans la rémission. Le désir et le plaisir.
Je me souviens l’année dernière que je n’avais pas réussi à manger de chocolat pendant plusieurs mois avant d’être en mesure de recouvrer le plaisir d’en manger. Après l’autogreffe, le plaisir de nouveau a été compliqué, notamment celui de manger, mais aussi celui de bouger, lire, réfléchir, penser. Aujourd’hui, je cuisine, je mange, je vois plus de monde, j’échange, je discute, j’intensifie mes séances de sport… autant de choses pour reprendre possession de moi-même ; jusqu’à la reconstruction d’une libido que j’ai envie de dire « adaptée » ?
Je découvre en écrivant que d’ordinaire, mon plaisir part du désir ; aujourd’hui, c’est l’inverse ; c’est en partant du plaisir (les plaisirs) que je me sens en mesure de reconstruire mon désir. Joli défi ! Si j’y arrive, je ne doute pas que je serai en mesure de le partager… ce d’autant que dans la même semaine, une autre jeune amie m’a branchée sur le même sujet, avec la même conclusion ; et que dans la foulée, je me suis surprise à regarder de jolis minois. Bigre.
🙂