J’ai toujours été très attentive au gaspillage alimentaire, ne serait-ce que parce que quand j’étais petite, on ne jetait pas la nourriture. On finissait son assiette, on réutilisait les restes, on trouvait des recettes pour le pain rassis, les fruits ou les légumes abîmés, on ne regardait guère les dates limites de consommation… Depuis quelques années, j’ai ajouté à ces principes la récupération d’invendus chez les commerçants, ou des plats trop copieux de mes voisins.
Depuis que je suis malade, j’ai dû renoncer à consommer certains produits en fin de date ou à cuisiner les invendus : mon immunité est fragile, aussi au niveau alimentaire. Je me suis adaptée, et ai réussi à ne toujours pas jeter d’aliments en faisant bien attention à n’acheter que ce dont j’avais besoin. Ces dernières semaines pourtant, j’ai passé un cap qui me chagrine.
Avec l’autogreffe, je n’arrive plus tellement à manger. Cela a commencé à l’hôpital où l’on m’apportait des plateaux que je ne touchais pas. Il a fallu quelques jours pour que j’arrive à ce qu’on ne m’apporte rien tellement l’idée de jeter tant de nourriture m’était insupportable. Depuis que je suis rentrée chez moi, l’objectif est que je mange, sans prendre aucun risque sanitaire. J’essaie parfois de manger quelque chose pour ne pas le jeter, mais ça ne fonctionne pas ; je suis très vite dégoûtée par les aliments ; mon estomac n’aime que les petites parts.
Je sais bien qu’il s’agit là d’un cas de force majeure, mais je le ressens comme une blessure supplémentaire. Je gage que mon engagement politique contre le gaspillage alimentaire arrive à convaincre mon métabolisme un peu plus rapidement que ce qu’il est censé retrouver une alimentation normale. Je gage.