Trafic de drogue

L’actualité est venue nous rappeler combien le trafic de drogue génère de violences. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que c’est un rappel considérant qu’en 2022, il y a eu 236 « homicides volontaires et tentatives d’homicides volontaires entre délinquants », et 122 depuis le début de l’année. Je vis sur un point de deal, chacun l’aura compris. Je faisais la différence il y a quelques semaines entre un lieu de violences et un lieu d’insécurité, avalisant peut-être l’idée que ces violences de trafics ne me concernent pas (moi riveraine non impliquée) puisque la probabilité qu’elle rejaillisse sur moi est faible. Peut-être que je me trompe mais la situation parisienne de ce point de deal n’est sans doute pas étrangère à mon analyse.
Ceci étant, il ne faudrait pas en tirer la conclusion que ces règlements de comptes sont à mes yeux sans importance puisque ce sont des dealers qui s’entretuent. Il n’a jamais été dans mes intentions de considérer les choses sous cet angle mais je me rends compte que beaucoup de mes concitoyens les considèrent ainsi, même ceux qui, de manière occasionnelle ou plus ou moins récurrente, fument du shit, considérant que la chose serait moins grave que de boire du gros rouge ou de consommer des anxiolytiques.
Les consommateurs sont estimés à 5 millions, dont 1,2 millions fume une dizaine de fois par mois. J’étais un peu désolée d’entendre le ministre de l’Intérieur leur faire remarquer qu’ils ont une responsabilité dans les trafics, je n’aime pas trop être d’accord avec ce monsieur. Je ne le suis en tout cas pas quand il envoie des compagnies de CRS comme unique réponse à ces violences. J’étais il y a quelques jours assise sur un banc avec une amie à dix mètres d’un point de deal sur lequel je suis régulièrement car il y a une machine pour faire du sport. Je n’ai pas tout vu, mais ma déficience visuelle ne m’a pas empêchée de comprendre quand une vente a eu lieu. Je sais que l’endroit est régulièrement contrôlé. Et comme tout un chacun, je m’interroge : si ces points de deal persistent, à qui profite le crime ?
L’économie souterraine génère un chiffre d’affaires très important, qu’il s’agisse du trafic de drogue ou de l’emploi de personnes « au noir », ou de triche à l’impôt et autres… 12,3 % du PIB ? C’est le chiffre « officiel ». Dans mon quartier, qui n’est pas un quartier pauvre ni excentré, ce trafic rend à évidence bien service à des enfants désargentés qui n’ont pas de travail et ne trouvent pas à partir de chez leurs parents, avant tout par le fait de discriminations criantes. Surtout, il permet à des familles bien sous tous rapports d’avoir un niveau de vie fort avantageux dans une cité HLM. J’imagine que dans un quartier où 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, comme c’est le cas à Nimes, cet apport financier est encore moins négligeable pour trouver de la chair à canon, et permettre à des gens bien comme il faut d’avoir de jolies piscines et à la municipalité de dépenser l’argent public pour rénover les arènes et créer un magnifique Centre de congrès.
Tout ça pour dire que l’on a les trafics que l’on mérite, et que je suis convaincue que si les pouvoirs publics décidaient de s’emparer de la question, notamment à travers la dépénalisation, les choses pourraient changer rapidement. L’option répressive n’a rien réglé ces quarante dernières années. S’y accrocher, c’est comme faire l’aveu que le système tel qu’il est institué va bien à tous. Quant au consommateur… je lui souhaite de bien dormir la nuit quand il apprend qu’un gamin de 10 ans a pris une balle perdue, ou qu’un gamin de 25 ans a été sacrifié sur l’autel de sa petite défonce. Il s’en fout le consommateur de drogue, un peu comme la consommatrice de fringues face aux morts de Dakka. OK, mais vu la tête de celui que j’ai observé depuis mon banc il y a quelques jours (65 ans, cheveux longs, sandales, et petit sac à dos en toile) il va falloir m’épargner certains discours. N’est-ce pas, camarade ?