Réduire la largeur du lit

J’évoquais il y a quelques jours mes « fantasmes révolutionnaires » qui fort évidemment se finissent en eau de boudin. J’essaie pour autant de ne pas en bouder, consciente que ma situation personnelle est le produit direct de mes choix politiques considérant que j’ai toujours pensé mon intime comme politique. Ce n’est pas un hasard si je suis écrivaine…
Je suis donc célibataire sans partenaire même occasionnelle depuis un certain temps (voire un temps certain) et ne fais rien pour que cela change convaincue que mon désir ne peut être vécu qu’à un prix que je ne suis plus prête à payer. C’est dans ce contexte que je réfléchis depuis quelque temps à augmenter ma surface vitale de 0,38 m² en réduisant celle de mon lit en le passant d’une largeur de 140 cm à 120 cm (en même temps que je changerai la moquette qui a au moins trente ans).
À l’aube de mes 60 ans, c’est une décision lourde de conséquences tant elle dit qu’il va falloir se faire toute petite pour avoir une place dans mon lit. Plus sérieusement, ce choix peut se comprendre comme l’expression d’un renoncement. C’en est un, en effet, mais pas forcément celui auquel on pense spontanément. Je ne choisis pas 90 cm mais bien 120 cm : ce n’est donc pas à la rencontre, au désir, à l’amour, à l’échange que je renonce ; mais à leur illusion consumériste et bourgeoise.
Cela commence comme un conte de fées, on passe des heures au lit, le temps vient vite à manquer ; alors on reste dormir une nuit par semaine, deux, toutes les nuits ; on dîne et petit-déjeune ; puis on déjeune aussi, le dimanche avec « la famille » ; on passe de plus en plus les soirées dans le canapé ; on se dit que l’on pourrait vivre ensemble, se marier (les impôts, le loyer, les frais fixes…) ; on s’installe… Je sais, dit ainsi, ce n’est pas très glamour ; et encore, je fais court et soft.
Vous savez désormais pourquoi je n’ai pas de canapé mais un seul fauteuil très confortable pour moi ; même si le canapé peut être pratique pour les premiers baisers, il devient très vite le linceul du désir. On peut très bien commencer debout, passer sur la moquette (elle sera neuve) et finir au lit sans y passer la nuit, puisqu’il sera un peu petit ; on peut aussi se déporter dans un lit plus grand, ils sont légion ; on peut s’aimer, tout simplement, sans y associer des considérations matérielles et des schémas connus.
On peut ?

NB. Elle est mignonne Jeanne Cherhal…