J’ai entendu ce matin (13 mai) sur France Info un reportage sur « le ministère de l’Amitié » que réclament certains intellectuels en Allemagne comme en France. J’ai tendu l’oreille dès que j’ai compris qu’il s’agissait de remettre en cause la suprématie de la famille et du mariage dans l’octroi de droits sociaux, économiques et patrimoniaux.
Depuis longtemps, je conteste cette suprématie au profit de droits individuels indépendamment de la situation affective des personnes reconnue juridiquement. C’est sur ce principe que je n’ai pas défendu le « mariage pour tous », lui préférant le « mariage pour personne ». C’est aussi dans ce contexte que j’ai salué la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé (AAH) première mesure sociale, à ma connaissance, où la personne vaut sur le couple.
Pour ce qui est du ministère de l’Amitié, je trouve que l’angle d’attaque très institutionnel n’est pas forcément le meilleur. Dans la mesure où il veut s’opposer au ministère de la Famille, je peux en reconnaître l’intérêt politique mais je trouverais beaucoup plus intéressant que toutes les réflexions qui sont menées sur les droits individuels soient enfin entendues par les pouvoirs publics. Si elles ne le sont pas, c’est sans doute parce que d’aucuns n’ont pas encore compris que les amitiés sont au moins aussi productives, au sens capitaliste du terme, que l’est la famille.
L’illusion du poids du sang dans les compositions sociales susceptibles de produire des richesses et d’encadrer des individus est encore très forte. Je ne devrais pas m’en plaindre ; cela me permet de cultiver ma propre illusion que mes amitiés seraient moins bourgeoises, toujours au sens capitaliste du terme, que ne l’est la cellule familiale.
Mais je vais m’en plaindre quand même car il n’est pas question de changer le monde à bon compte : même si je crois que l’individu est plus libre en tant que sujet de droit autonome dans une structure amicale qu’il ne le serait en tant que sujet de droit soumis à la cellule familiale, je ne dois pas m’accrocher à des chimères. Si la société (quelle qu’elle soit) n’en tire pas bénéfice, d’une manière ou d’une autre, il n’y a aucune raison que la reconnaissance de droits individuels au détriment des droits familiaux se fasse un jour.
Voilà le point d’achoppement de mon idéal libertaire. Il en fallait un.