Je rentre en métro d’une longue balade à pied ; ligne 4 ; rangées de banquettes en bout de wagon. Je suis assise au milieu de mon rang. Une jeune femme s’installe en face, sur la place à côté du soufflet. Deux bons mètres nous séparent. Elle a quelque chose d’étrange qui m’attire. Je bande l’œil… elle n’est pas très chaudement vêtue en dépit du froid ; ce n’est pas ça qui me fait la regarder. J’insiste… elle a les cheveux qui tombent juste dans le cou : ils sont verts.
Pas un vert fluo, un vert émeraude qui peut se confondre avec le noir. Je n’ose pas prendre une photo avec mon téléphone pour mieux voir. Et puis j’aime bien ne pas trop voir ; je ne sais pas si, de plus près, je la trouverais jolie ; sa façon d’être assise, légèrement de côté, le corps bien droit, et ses cheveux verts ; cela me suffit. Cela me ramène à une chanson des Chats maigres, groupe disparu que j’ai beaucoup entendu au café-concert Ailleurs près de la Bastille à la fin des années 90.
« Elle était assise et n’était pas acquise ;
« À rester là toute seule comme ça.
« Elle avait une emprise qui perdait ma maîtrise ;
« Assise sous les dahlias pas loin des camélias.
« La fille aux cheveux verts et son regard si bleu ;
« La fille aux cheveux verts réveille en moi les dieux »
[No Te Lo Prometo, Eniel EP, 2007]
Tout cela me ravit.
J’enlève mon bonnet ; j’ai envie qu’elle voie mes cheveux blonds, ma couette ; une sorte de drague capillaire. Le voit-elle ? Elle se lève pour descendre à Montparnasse. Elle sort devant moi. Caban court, capuche rouge posée sur les épaules et ses cheveux verts, juste dans le cou. Je lui emboîte le pas. Elle se retourne. Je ne crois pas que ce soit pour moi. Elle file dans le couloir des correspondances ; je prends l’escalier à gauche pour sortir. Je lui fais un signe dans le dos qu’elle ne verra pas.
J’en souris encore.
C’était juste magique ça.
Faut que je cherche la chanson.