Prime de rentrée

Je fais partie des heureux bénéficiaires de la « prime inflation » de 100 euros. Allocataire AAH (allocation adultes handicapés), je ne bénéficie pas toujours des primes exceptionnelles ; cela dépend… du vent ? Et j’ai souvent du mal à savoir si je vais être éligible, et qui va m’en faire l’aumône. Cet hiver, c’est l’Urssaf qui m’a versé « l’indemnité inflation » (je touche quelques droits d’auteurs) ; et pour cette prime de rentrée, cela a été la Caf. Je ne perçois pas la « prime de Noël » ; je m’en réjouis, le symbole me serait insoutenable.
J’ai renoncé à comprendre la logique de ces primes. Ce qui m’interroge le plus, c’est l’effet de ces versements « exceptionnels » sur le quotidien des plus démunis. Beaucoup, déjà, n’ont pas un accès numérique à leur compte en banque, soit parce que cela coûte cher, soit parce qu’ils peinent à utiliser le numérique, soit que celui-ci ne leur est pas accessible. Cela représente 17 % de la population, qui se confond forcément avec une bonne partie de celles et ceux qui ont le moins de ressources. Ils n’auront donc pas forcément eu connaissance du versement de cet argent. Dans le cas contraire, 100 euros, cela se dépense si vite que cela peut passer comptablement inaperçu.
Cela vaut aussi pour celles et ceux qui consultent régulièrement leur compte en banque (les 80 % restant, si j’en crois les quelques articles sur le sujet). Quand on est dans le rouge, 100 euros peuvent donner un peu d’air le temps qu’une échéance tombe ; quand on est à l’euro près, on voit arriver la prime, on s’en réjouit et… déjà disparue ; quand on a un peu d’avance (c’est mon cas, je suis assez écureuil), on épargne ou on se fait plaisir.
Cet hiver et cet automne, j’ai voulu me faire plaisir, et ai dépensé ladite prime pour trois fois son montant ! Le plaisir étant ce qu’il est, je me suis réjouie fort peu de temps et ai dû gratter un peu derrière pour revenir à mon équilibre. De là à conclure que ce genre de prime produit l’effet contraire que celui annoncé, comme me faire dépenser plus que ce qui m’a été donné pour le plus grand bénéfice du système marchand… Elles puent en tout cas la charité électoraliste et ne contribuent en rien à la résorption des inégalités qui ne cessent de se creuser ces dernières décennies.
Comment imaginer d’ailleurs que des billets de cent pourraient changer l’ordre des choses ? Personne n’y croit mais que faire d’autre ? Changer le monde ; partager les richesses ; rompre avec la production et la consommation de masse… C’est forcément plus compliqué ! Et d’aucuns ont tant à y perdre ! Pour ma part, j’aimerais bien pouvoir renvoyer ces 100 euros au gouvernement pour lui signifier que ses choix politiques n’ont d’autre fonction que d’asservir les plus démunis en leur faisant miroiter une embellie sans fondement et que ma liberté n’a pas de prix.
Je me contenterai de ce billet (en hétéronomie) qui vaut nettement plus sans me coûter un rond (ou presque) ; ma liberté est comblée et mon compte en banque sauf. Quelle richesse !

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