Depuis plusieurs années, je me bats contre les PDF et les infographies. Les premiers sont pratiques, ils permettent par un simple export depuis un traitement de texte de conserver la mise en page d’un texte avec ou sans illustration, voire d’en empêcher le copier-coller ou la modification. Les secondes sont utilisées pour décrire une action, une recommandation, des consignes en mêlant images, pictogrammes et texte dans un format figé en JPG censément attirer l’œil.
Ces deux supports ne sont pas accessibles aux déficients visuels. Il est recommandé de produire des « PDF accessibles », i.e. lisibles par les lecteurs d’écran. Cela suppose de bien indexer le texte de départ et de l’exporter sous une certaine forme. Pour les infographies, il est recommandé, comme pour toute image, d’en proposer une description notamment en mode « texte alternatif » (à ne pas confondre avec une alternative textuelle)*. Dans les deux cas, seuls les déficients visuels utilisant un lecteur d’écran vont pouvoir lire les PDF et les textes alternatifs.
Tous les acteurs de l’accessibilité numérique que je connais sont des aveugles qui disposent de ces outils. Avec eux, je défends la production de PDF accessibles et de textes alternatifs. Pourtant, je n’ai pas de lecteur d’écran ni ne sais récupérer un texte alternatif sur un site (à part aller trifouiller dans le code source). Je suis en basse vision : j’utilise des zooms (qui font perdre les lignes, cf. mon illustration en bas du billet) et exporte les fichiers texte après mise à mon œil en ePub, format qui m’est particulièrement confortable car je peux régler le contraste, la taille des caractères, leur espacement, les hauteurs de lignes, les marges pour éviter de trop bouger la tête… le bonheur (ci-contre).
Nos demandes ne s’opposent pas, elles se complètent. Elles disent surtout la même chose de la société des valides : privilégier l’apparence est l’expression d’une société du paraître où l’être (le contenu) est moins essentiel que le m’as-tu-vu (l’image). Les déficients visuels seraient-ils par nature les hérauts de la valorisation de l’être ? Ils peuvent, s’ils décident bien sûr de s’emparer de la dimension philosophique de leur manière de voir et de produire des images non visuelles. Quant à la société des valides, il va falloir sérieusement qu’elle révise sa manière de communiquer, le tout-images donnant aux « communicants » un poids politique qui nuit à l’action publique et aux choix politiques.
Mais de qui je parle ? Chutttt… Je ne balance pas sans preuve tangible mais si vous connaissez mes engagements, vous trouverez tout seul.
* Le texte alternatif se trouve dans le code de la page Web alors que l’alternative textuelle est accessible depuis la page Web elle-même.