Boxeur

Les fidèles du blogue se souviennent que j’ai eu des soucis avec un boxeur (que j’ai nommé le malotru) qui s’entraîne le matin au même endroit que moi, au square W. Il met de la musique, genre « daube techno de salle de sport », me privant du chant des oiseaux et des bruissements du vent. Je le lui avais dit, au début ; il m’avait envoyé bouler sur le thème « Si vous n’êtes pas contente, vous allez ailleurs ». J’avais vu le jardinier, des inspecteurs de sécurité de la Ville (l’utilisation d’amplificateurs de son est interdite dans les squares et jardins)… et ai adapté mes heures et mes pratiques pour l’éviter au maximum.
Depuis quelque temps, il vient avec un autre gars à qui il donne des cours. Ce dernier est plus avenant, essayant d’engager la conversation. J’ai toujours un peu résisté, grognon que je sais être. Ce 1er novembre, un déclic s’est produit : le gars est arrivé avant le malotru. J’avais installé sur la pyramide de cordes mes accessoires de judo-solo, décidée à y aller mollo mais à solliciter au maximum tous ces muscles meurtris par les antibiotiques. J’étais là depuis 30 minutes. Le gars me dit bonjour, installe ses affaires, s’échauffe et engage la conversation. Tout en faisant nos exercices respectifs, on papote judo, boxe, élastiques, douleurs musculaires et joie du soleil dans le petit matin. Dans la conversation, j’arrive à glisser le plaisir du chant des oiseaux et un…
— Ce serait sympa si vous ne mettiez pas de musique…
— Je suis d’accord, mais c’est lui qui en met. C’est un grand boxeur, il me donne des cours gratis ; je n’ose pas lui dire que je préfère le silence.
Je lui raconte l’historique (« Ah ! Oui, ça, il peut être raide ; mais il est vraiment gentil. »), le fait que j’adapte ma pratique, et soudain, il me glisse « Il arrive ! » Il s’était approché, il va un peu plus loin. Le malotru me dit bonjour, je finis mes séries d’abdos et remballe mon matériel. Le malotru revient vers moi.
— Vous partez déjà ?
— Oui, votre musique me dérange.
— Ah ? C’est dommage…
— Oui. Je vous l’ai dit il y a longtemps ; votre réponse était un peu raide. Je ne discute donc pas. Je m’en vais, comme vous m’en aviez alors pressée.
Et le voilà tout contrit (ou presque), m’expliquant qu’il est un grand boxeur, cherchant à savoir mon palmarès judo, me racontant qu’il donne encore des cours pour se maintenir en forme, me dit que la musique est entraînante, que cela rythme…
— Je comprends, en salle ; mais là, il fait beau, il y a peu de circulation ; c’est l’occasion de profiter du silence, du chant des oiseaux…
— Je baisserai alors…
— On entend les basses très loin.
— C’est dommage, vraiment, que vous partiez.
Dans un sourire, je lui souhaite une bonne journée en lui suggérant de couper la musique et d’écouter sa respiration…
— Vous verrez, vous y gagnerez en plénitude ; foi de judoka !
La suite au prochain entraînement au square.