J’écoute France Info ce matin (24 juin) qui diffuse un « sujet long » sur la mort de Prigojine. Le récit du journaliste est entrecoupé de témoignages. Le sujet m’importe peu. C’est la méthode qui m’intéresse.
Que le témoignage serve à dire l’émotion d’une personne ou son implication dans un évènement, c’est son rôle. En l’espèce, on entend une dame qui vend des fleurs depuis le coffre de sa voiture sur le parking du cimetière où est enterré Prigojine ; elle explique que beaucoup de personnes lui demandent des informations et le journaliste en tire argument pour étayer son reportage qui a pour fonction de valoriser l’image de Prigojine contre le Kremlin.
C’est pratique, tout ce qui pourrait discréditer la Russie est bon à prendre, même faire passer ce mercenaire sanguinaire sans foi ni loi pour un opposant acceptable. Je précise, au cas où cela soit nécessaire, que je considère la Russie de Poutine comme une dictature, autant que je considère qu’il n’y a sans doute pas besoin de valoriser Prigojine pour tirer argument l’impérialisme guerrier du Kremlin.
Cet exemple est symptomatique d’une information qui utilise le témoignage comme une donnée fiable censément valider une hypothèse. Les jurys d’assises et les enquêteurs criminels nous diraient combien le témoignage est l’élément le moins fiable dans une procédure. En matière de journalisme, il semble que ce soit l’inverse. Le témoignage, par son implantation populaire, j’imagine, devient la preuve, ce qui valide le présupposé du propos journalistique.
Vous aurez remarqué que je n’accorde aucun crédit de neutralité à la manière dont les médias traitent l’information. Il me semble en effet essentiel de savoir rester critiques et de croiser les sources pour tirer le bon grain de l’ivraie. Quand je pense qu’aujourd’hui mes concitoyens cherchent les informations sur les réseaux sociaux, et les prennent pour argent comptant, on trouve sans doute là l’essence d’une déliquescence de la qualité de l’information et des analyses ; et malheureusement de la conscience des enjeux qui va avec.