L’hystérie des agriculteurs à vouloir « affamer Paris » en bloquant Rungis ou à venir jusqu’aux Champs-Élysées pour y déverser moult déchets agricoles n’a d’égale que celle qui a motivé nombre de manifestations des gilets jaunes dans la capitale et autres mouvements populaires qui voyaient dans la tour Eiffel un amer si remarquable que Paris en devient une cible obsessionnelle. Il est évident que tous ces soi-disant contestataires d’un ordre économique qui trouve sa légitimité dans leurs revendications mêmes considèrent Paris sous l’angle capitale. C’est le siège du pouvoir central, des institutions publiques : Parlement, gouvernement, présidence de la République, grandes administrations…
À ce titre, je comprends que Paris soit la cible par excellence, et que tous les symboles du pouvoir et de la France qui y sont concentrés soient visés. Ce qui me désole pourtant c’est cette vision touristique de ma ville qu’entretiennent ces manifestants. Paris, c’est avant tout deux millions d’habitants, et beaucoup de misère ! Et ce Paris qui fait cible, c’est aussi l’Île-de-France qui concentre à elle seule un bon tiers de la population française et une bonne part de l’activité économique et des difficultés sociales.
Les agriculteurs veulent nous affamer, bloquer l’activité considérant que cela pourrait avoir un impact sur la décision politique. En faisant cela, ils mettent tout simplement dans la difficulté des personnes qui ne gagnent pas forcément plus qu’eux, qui vivent dans des conditions souvent difficiles au vu de la crise du logement et de la ségrégation sociale en vigueur dans notre région, sans aucune considération pour leurs concitoyens les plus démunis qui sont y légion.
Il paraît que la population serait solidaire de ces agriculteurs. Je n’ai aucun moyen de savoir réellement ce qu’il en est mais je sais que moi je ne le suis pas, car ni leurs revendications ni leurs modes d’action savamment orchestrés par la FNSEA avec la complicité des forces de l’ordre ne vont dans le sens du monde dans lequel je veux vivre.
Je suis Parisienne et fière de l’être, et ma proximité géographique avec les lieux de pouvoir n’autorise personne à aspirer à me pourrir la vie sur des revendications qui vont à l’encontre de l’impératif écologique et de la justice sociale. J’ai la chance d’avoir quinze jours à trois semaines de stock dans mes placards ; ce n’est pas le cas de tous mes concitoyens franciliens dans une organisation urbaine particulièrement dépendante des approvisionnements en flux tendus. Les agriculteurs n’en ont rien à faire ? On avait bien compris.