Quand on participe à un protocole de recherche clinique, on a quelques obligations, légitimes, comme signaler les effets secondaires du traitement à son médecin. Je vois le mien une fois par semaine. C’est un grand chercheur, je pense, mais il ne s’intéresse pas forcément aux petits bobos du patient. Je m’en entretiens plus volontiers avec les infirmières de l’hôpital de jour, plus à l’écoute. Cette relation à mon médecin hospitalier me va bien, ce d’autant que je n’ai pas beaucoup d’effets secondaires majeurs à part la fatigue et les conséquences biomédicales connues du traitement mesurées toutes les semaines par des prises de sang.
Il se passe néanmoins parfois des choses étranges, que je peux attribuer à des facteurs autres que la maladie ou le traitement. Je ne m’y attarde pas plus que ça sauf si ça persiste, la posture de mon médecin me permettant de ne pas être trop hypocondriaque, ce qui va bien avec la manière dont je souhaite gérer cette maladie. Parmi ces effets surprenants, j’ai remarqué à partir de la mi-mars que j’avais « le kiki au taquet ». J’avoue ne pas trop savoir comment dire autrement : je ressens une excitation sexuelle chronique, tout à fait décalée par rapport à mon état général. C’est d’ailleurs ce décalage (grand-écart) qui me l’a fait remarquer.
Cela a commencé après ma sortie du potage sous morphine consommée à haute dose après l’opération des cervicales. Quatre semaines plus tard, le traitement a démarré avec une phase d’attaque qui m’a placée en asthénie pendant un bon mois. C’est alors que j’ai remarqué cette excitation qui contraignait mon sommeil pourtant si indispensable. J’ai cherché des images érotiques histoire d’assouvir à peu de frais cette excitation qui n’était pas vraiment désir. C’était compliqué.
Avec Johnny, qui suit l’aspect médical des choses, nous avons cherché la cause dans mes traitements. Nous ne l’avons pas trouvée. Cela a perduré jusqu’à mi-mai. Nous avons fait l’hypothèse que l’antidépresseur à faible dose prescrit par le chirurgien pour les douleurs profondes pouvait avoir un effet désinhibiteur même si on remarque plutôt l’inverse avec ce type de molécule. Je l’ai justement arrêté début mai. J’ai vu ma gynécologue début juin, elle a confirmé cette hypothèse.
À la mi-mai, j’ai arrêté provisoirement mon traitement pour un prélèvement de cellules souches. Je l’ai repris début juin. Quinze jours plus tard, cette sensation de « kiki au taquet » est revenue, moins intense. Les phases de traitement durent quatre semaines, dont une semaine d’arrêt. Je viens de commencer le cinquième cycle et je sens bien que ce symptôme repart à la hausse. Cela me cause deux soucis : arriver à m’en débarrasser pour pouvoir dormir ce qui n’est pas complètement évident ; me placer dans la situation fort désagréable d’expliquer à mon médecin hospitalier cet effet secondaire que je n’ai pas retrouvé dans la longue liste jointe à la description du protocole de recherche clinique.
Au moment de ma décision de le signer, j’avais confié à Johnny la lourde tâche de le lire (il y a cinquante pages d’une police difficile) ; j’ai eu ce matin l’idée de m’y coller ; j’ai appris un certain nombre de choses qui ne m’ont pas fait peur ; c’est déjà ça ; cela m’a permis aussi d’identifier quelques autres effets secondaires mineurs. Je vais donc en préparer une liste sobre pour mon prochain rendez-vous, mais je ne sais vraiment pas si je serai capable de parler de cette excitation sexuelle tant elle est incongrue, j’ai presque envie de dire « déplacée« . Peut-être aurai-je moins de difficultés avec l’infirmière de recherche clinique… le suspense est total ! Quant à offrir à mon kiki quelque chose qui lui ferait vraiment plaisir… je ne me trouve déjà pas très fréquentable en temps normal, mais en ce moment, je crois que c’est plié !