La Ville de Paris a engagé depuis quelques années une action salutaire de féminisation des noms de rues, jardins, établissements… L’idée est simple, l’invisibilité des femmes dans l’espace public participe à l’un des ressorts essentiels de la domination masculine : l’infériorisation. On peut a contrario espérer que la multiplication des référents féminins permettra notamment aux jeunes filles des processus d’identifications qui les portent à réclamer l’égalité.
C’est dans ce contexte que le jardin du Moulin de la Vierge dans le 14e arrondissement porte désormais le nom de Carole Roussopoulos, vidéaste féministe émérite. Ce square se situe à 200 m de l’Entrepôt qu’elle a dirigé. Toutes les conditions semblent donc réunies pour mener là une belle action de visibilité des femmes.
En recevant l’invitation pour cette inauguration, j’ai néanmoins été surprise. Je pensais que le jardin allait changer de nom. Il n’en est rien. Il s’appelle désormais « Jardin du Moulin de la vierge – Carole Roussopoulos ». Je ne connais pas les règles en matière d’attribution de nom de rues ; j’imagine que conserver l’ancien nom était une obligation de laquelle la Ville n’a pas pu se départir. Pour autant, je m’interroge : cet accolement entre une féministe et la Vierge (ou une vierge) n’est-elle pas du plus mauvais effet politique ?
Peut-être qu’elle s’en serait amusée avec ses copines tant on peut en retenir le caractère cocasse. Mais d’un point de vue de la visibilité des femmes, vraiment, je trouve ça malvenu tant l’association « vierge » et « femme » est lourde d’oppressions. Ce jardin permet, via une allée unique, de traverser de part en part un lot d’immeubles sociaux avec ceux du Moulin d’un côté, ceux de Gergo de l’autre. N’aurait-il pas été plus judicieux de garder le jardin du Moulin de la Vierge que tous les riverains continueront à nommer ainsi et baptiser l’allée Carole Roussopoulos ?
La tempête a contrarié cette inauguration le 10 mars dernier. Un clin d’œil du paradis des féministes ? J’y crois.