
Chacun sait que les éditeurs sont les piliers de la chaîne du livre, toujours plus dévoués à la cause littéraire, n’hésitant pas à tout sacrifier pour son développement. Tout ! Oui, tout, les auteurs compris.
J’ai toujours du mal à évoquer cette question, craignant que vous, lecteurs, y lisiez de l’aigreur de ma part et du dépit. J’essaie de ne pas être aigrie ni dépitée mais à force d’être maltraitée, ma coupe est de plus en plus pleine. Et j’ai de moins en moins envie de passer sous silence les manières de celles et ceux qui vous font croire que le livre que vous avez entre les mains a été édité au double péril de leur patrimoine et de l’hystérie des auteurs, ces « bad girls and boys » qui, chacun sait, sont caractériels par nature.
Je dis souvent que les éditeurs LGBT, par exemple, ont le mérite d’avoir un catalogue constant… et j’oublie de vous dire que c’est aussi parce que je fais jouer les clauses de mes contrats, lettres recommandées à l’appui, qui imposent des réimpressions sous peine que je récupère mes droits (entendre que le contrat d’édition soit caduc). Et pour cette fois, je n’oublierai pas de vous dire que vingt-cinq pages du livre ont sauté (suite à une réduction de la police), pour rendre l’objet plus léger à l’expédition, bien sûr. Mais il va vous falloir de bonnes lunettes pour le lire. Ah ! Le bel objet livre sacrifié sur l’autel de la rentabilité à courte vue. Car ne croyez pas qu’il s’agit là d’une simple mesure de « rationalisation économique » : vous paierez le livre trois euros de plus.
Oui, les maisons d’édition sont des entreprises dont la vocation première est de faire du profit. Cela ne me choque pas ; ce qui me gène, c’est le discours « culturel » « engagé » qui camoufle la logique de profit, un discours si éloigné de pratiques qui font que souvent l’auteur (celui qui écrit le texte, mine de rien) est celui sur lequel on se sert en premier. Un autre de mes éditeurs, par exemple, vient de s’offrir deux mois de trésorerie en reportant l’envoi des droits 2011 à ses auteurs (il en revendique près de deux milles) de début juillet à début septembre… en ne joignant pas de chèque quand ces droits sont inférieurs à 15 euros. La règle est nouvelle, et totalement illégale, suffisamment d’ailleurs pour que je puisse réclamer ce chèque en faisant un courrier : 0,55 euro de frais supplémentaires pour moi (et pour l’éditeur ensuite), sur les 11,35 euros que je dois toucher.
L’éditeur compte sur le fait que je ne réclame pas. Mai je vais évidemment réclamer. Qu’est-ce que j’ai donc à vouloir encaisser mes 11,35 euros ? Pour le principe ? C’est bien la preuve que je suis caractérielle, non ? Autant que n’importe quel travailleur qui veut juste être payé pour son travail, avec un minimum de respect de celui-ci. Juste ça. Est-ce trop demander ? Il semble que oui. Et j’en suis triste, profondément triste. Demain, je serai en colère. C’est ma seule arme contre l’aigreur et le dépit. Hajime !
Note : Merci au site Alu d’avoir relayé mon édito de juin dernier. Cela m’a touchée.