États d’âme

Depuis que le Nouveau Front populaire est né après quatre jours d’intenses négociations, s’expriment des réserves, des inquiétudes, des « Moi ? Jamais ! » Je respecte les opinions des uns et des autres mais dans ces quinze jours de campagne, j’avoue que je n’ai pas envie de les entendre car à mon sens, l’urgence n’est pas compatible avec les états d’âme.
Le bouc émissaire, pardon, l’épouvantail, s’appelle Jean-Luc Mélenchon et sa petite troupe de méchants garçons de la France insoumise. On leur reproche tout et son contraire, reprenant allègrement des arguments de la droite et de l’extrême droite relayés par des médias à la botte du libéralisme, sans même s’en rendre compte. Ce qui fait le plus défaut dans cette histoire, c’est un esprit critique indépendant de la pensée dominante. C’est sans doute là le plus gros dégât fait par les réseaux sociaux, l’idée qu’une information ou une analyse mâchée par n’importe qui demeure une information ou une analyse.
Je vais prendre l’exemple le plus « clivant » : l’antisémitisme supposé de LFI. En argument, on nous sert telle rencontre qui a eu lieu il y a plusieurs années, ou des prises de position dans un conflit armé en cours. Je remarque que ces arguments sont initialement utilisés par des organisations et des personnes qui n’ont aucun intérêt à la victoire de la gauche. Et je remarque que les mauvaises blagues sur les personnes juives ne sont malheureusement pas, notamment dans le cercle privé, l’exclusivité des caciques de LFI sans que des cris d’orfraie ne leur répondent.
Ceci pour dire que je ne crois pas que la majeure partie des militants et électeurs de LFI sont antisémites, ou alors je le suis car je porte un regard critique sur un gouvernement d’extrême droite qui mène ses citoyens au massacre en menant une guerre particulièrement meurtrière sans respect aucun des droits élémentaires des personnes. En ce qui concerne le leader actuel de LFI, je crois qu’il dirige son mouvement de manière quelque peu sectaire, qu’il aime la force, qu’il est mégalo, et que ses choix dans la lutte contre les discriminations sont à élections variables. Je soutiens pourtant sans aucun état d’âme le Nouveau Front populaire.
À mon sens, l’extrême droite et président de la République sont des dangers équivalents. Je n’ai pas à le démontrer pour l’extrême droite (j’espère). Pour le président de la République, force est de constater qu’il est le premier artisan de la résistible ascension du RN. Le parti d’extrême droite gagne petit à petit du terrain depuis 1983 mais, chaque fois que des politiques ultralibérales sont menées, cela lui donne un peu plus de champs. Et si le président la République me semble particulièrement dangereux, c’est car il ne compte pas renoncer à cette politique, autant qu’il est capable de provoquer des coups politiques, comme cette dissolution, avec pour seul objectif de rester maître à bord.
Je suis convaincue que si le RN gagne cette législative, le président de la République lui donnera les moyens d’agir et ne jouera pas la carte du blocage institutionnel, ne serait-ce que parce que les grands argentiers et les entreprises du CAC 40 ne le lui permettront pas. Il y est soumis, dans ce monde d’hommes blancs qui est le sien. L’urgence est donc la victoire absolue du Nouveau Front populaire. Qui sera Premier ministre ? On s’en fout. Certaines mesures du programme feront-elles exploser l’accord ? On s’en fout. L’urgence est de bouter la majorité présidentielle et ses nouveaux partenaires du RN hors de l’Assemblée.
Ne me répondez pas « Mais non, le président n’est pas d’extrême droite » ; je suis d’accord, il ne l’est pas. Par contre, c’est un opportuniste de bas étage capable de tout pour garder le pouvoir. Cette dissolution l’avère. Si le Nouveau Front populaire ne gagne pas cette élection, je crains que la suite ne me démente pas.