Ma nouvelle Vie en Hétéronomie

Le 15 septembre 2010, je publiais mon premier billet sur feu le blogue La Vie en Hétéronomie ; le lendemain, Isabelle publiait le second. Nous y évoquions King Kong théorie, de Virginie Despentes, que nous venions de lire chacune. Ce livre m’a été essentiel, comme ce blogue. Je venais de renoncer à publier Piste rose chez le repreneur des Éditions gaies et lesbiennes, résistant ainsi à des choix commerciaux et éditoriaux qui n’étaient pas les miens.
Isabelle, dans le soutien indéfectible qu’elle apporte depuis plus de vingt ans à mon écriture, m’a suggéré que nous créions un blogue, pour me permettre d’écrire. Ma « spécialité littéraire », c’est la parodie de roman sentimental lesbien à l’érotisme non larvé ; trouver un nouvel éditeur sur ce créneau était une gageure ; publier d’autres textes plus littéraires également, les éditeurs hétéronormés aimant la lesbienne qui bourdonne (« buzz » en globish) ; ce qui ne sera jamais mon cas (c’est un choix politique).
Nous sommes douze ans plus tard et trois mille billets publiés (on n’a pas fait exprès pour le compte rond). Tenir ces douze ans n’a pas toujours été facile, surtout pour Isabelle qui a des contraintes professionnelles d’envergure. Elle s’est accrochée, toujours pour me permettre d’avoir cet outil qu’est le blogue ; Frédéric est venu nous aider aussi ; mais la contrainte est forte. Le désir d’écrire ne s’entretient pas si facilement, comme le désir tout court. Quelle drôle d’idée, « le désir tout court » ! C’est tellement délétère au plaisir d’écrire, au plaisir tout court.
Les deux ne me font jamais défaut. Au contraire, ils me nourrissent, m’équilibrent, m’exaltent ! Et voilà qu’en cet été 2022, je me retrouve dans la même posture qu’à l’été 2010 : je quitte mon éditeur québécois qui argue de fautes d’orthographe pour me refuser un texte (n’en soyez pas surpris, c’est un grand classique quand on veut se débarrasser d’un auteur qui n’est pas dans la ligne) ; de son côté, Isabelle s’engage dans de nouvelles missions qui vont lui prendre toute son énergie.
Arrêter le blogue ? Les Mouton en étaient affligés, Petit Koala meurtri, Caddie catastrophé. Ne pouvais-je continuer seule ? Je le peux en effet, et c’est ce que je vais faire. Je sais d’expérience que le support compte beaucoup dans la manière dont le texte émerge ; ce que j’écrivais sur le blogue depuis douze ans était intimement lié à ce « regard croisé » qui faisait notre marque de fabrique, le jeu entre nous aussi, la part de blague, la volonté d’échange. Si je reprends à mon seul compte le blogue, je dois faire autre chose, du passé faire table rase (tiens donc ?) Je change la maquette, passe en privé les trois mille billets (attention ! certains vont ressurgir), crée de nouvelles rubriques, catégories… et Ma Nouvelle Vie en Hétéronomie émerge.
Que vais-je publier ? Des réflexions plus ou moins sérieuses, des analyses, de la fiction aussi ; des textes courts, des textes longs. Cela va se mettre en place au fil du temps, avec quelques invités j’espère, et le désir toujours fort de partager avec vous mon écriture. Mon seul moteur sera mon principe de plaisir ; tant qu’il sera intact, je continuerai ; s’il s’éteint, le blogue meurt. Rassurez-vous ; j’ai suffisamment de facéties en stock pour tenir un certain temps et puis… la vie en Hétéronomie est si féconde qu’il n’y a franchement pas de quoi se lasser.
La liberté.

Cécyle, alias Cy Jung, 28 août 2022