[Blogue V1 2010-2022 – Réédition]
À suivre le blogue depuis des années, vous savez désormais que j’ai un lourd passé militant (beaucoup est ici, ou là). J’ai commencé jeune à lire des écrits politiques, à accompagner papa dans des meetings, à participer à des manifs (la première à Avignon en juillet 1969), à faire la campagne municipale pour maman en 1977, à organiser des grèves dans mon lycée… Même ma prof de piano me portait à l’action politique : son appartement était sur un parcours de manifs et, au vu de mon peu d’intérêt pour l’instrument, on les regardait passer et elle me lisait et m’expliquait les banderoles.
Très tôt aussi, mon action politique a été marquée par la désobéissance civile et la non-violence. J’ai raté Plogoff (trop loin de la maison) mais j’ai passé un mois à occuper le plateau du Larzac en août 1980 : barbouillage de camions militaires, occupation d’un champ de tir en plein exercice (la trouille de ma vie !), blocage d’une voie ferrée, perçage de la nationale au marteau-piqueur pour faire une adduction d’eau… action qui m’a valu un passage à la gendarmerie de Millau. J’en garde un souvenir diffus, celui d’avoir résisté à donner mon identité et d’un gendarme me disant que ma mère ne viendrait pas me chercher. Merci maman ! J’ai pu retourner sur le plateau continuer l’occupation.
Depuis, une sorte d’ange gardien me protège : je n’ai jamais été contrôlée ni arrêtée ni matraquée ces quarante dernières années ; cela a parfois été à deux doigts, comme avenue René Coty en 1993 où l’ami enchaîné à moi s’est fait rouer de coups pendant qu’un garde-mobile me prenait dans ses bras en s’excusant pour me déposer fort civilement plus loin. Encore dernièrement, j’ai réussi à sortir d’une manifestation avant d’y être piégée. Un ange gardien, et un peu d’expérience sans doute.
Je ne m’en plains pas ; je n’ai pas besoin d’un casier judiciaire, de quelques cicatrices ou d’un œil en moins pour faire valoir mes états de services militants. Mais je sais que la confrontation directe avec les forces de l’ordre peut arriver, et je m’y suis toujours préparée : j’ai le téléphone d’un avocat dans mes contacts ; mes amis me savent en manif (où, quand, avec qui) et j’envoie régulièrement des bulletins de santé ; et je n’ai pas encore lu la Bible dont je réserve la lecture à une situation carcérale. Et je fais bien de m’y préparer !
L’objet de ce billet était « À 82 ans, j’irai en prison ! » ; voilà donc où je voulais en venir. Il me reste encore vingt-cinq ans d’activisme pénard et après, je penserai très fort à Jane Fonda et à son indomptable détermination ! Je remarque que jusqu’à la fin du siècle dernier, je n’avais peur de rien et prenais pas mal de risques. Puis, petit à petit, j’ai commencé à avoir peur des forces de l’ordre, de leurs violences de plus en plus systématiques, de leur renoncement à toute forme de discernement.
Aujourd’hui, je sens que la niaque revient, sans doute encouragée par les jeunes activistes pour le climat dont l’énergie est contagieuse. Je commence à reprendre un peu de risques, à fréquenter des actions qui peuvent me mener en prison ou à l’hôpital. À choisir, je préfère la prison même si je sais l’épreuve plus rude que ce que les bonnes gens racontent. Ce sera donc la prison, à 82 ans ; comme j’ai également prévu de fumer de nouveau à 80 ans, je sens que je me prépare un cinquième âge terrible !