Le handicap invisible concerne 80 % des personnes handicapées, si j’en crois l’APF. Cela ne m’étonne pas. Dans les transports par exemple, je mesure combien j’ai de la chance de pouvoir exhiber une canne blanche afin de m’asseoir, mon opération des cervicales réclamant un peu de sécurité. Autrement dit, je rends ma déficience visuelle visible mais c’est bien un handicap invisible qui me porte à m’asseoir.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’utilise depuis quelques années déjà une canne de signalement, car si je dis au commun des valides « Je suis déficiente visuelle. » sans en porter le stigmate, j’ai peu de chance qu’il me croie, ou qu’il en tienne compte car un bigleux sans canne n’entre pas dans son champ de représentations. Il y a quelques jours, cette dure loi du validisme a eu un rebondissement inattendu.
J’étais dans un square où il y a une espèce de ponton pas très large qui sépare deux aires de jeux pour enfants. Au milieu du ponton, il y avait un homme. Je me suis arrêtée et je lui ai demandé de me laisser passer sur le thème « Excusez-moi… » ; il m’a sitôt répondu qu’il y avait largement de la place pour passer, à quoi j’ai rétorqué que j’étais déficiente visuelle et que l’espace qui restait n’était pas suffisant pour assurer ma sécurité. Je n’avais pas ma canne en main, elle était par contre accrochée de manière très visible sur l’avant de mon sac à dos. L’homme m’a lancé la réplique de l’année :
— Il faut utiliser une canne blanche, ça simplifierait la vie des autres !
Sans commentaire.