Depuis plusieurs années déjà, les commerçants parisiens installent sur les trottoirs des tréteaux qu’ils placent dans les cheminements afin d’arrêter le chaland. Ce phénomène s’est développé avec les terrasses estivales post-confinements. Autour de chez moi, ce sont surtout les commerces de bouche qui multiplient ces installations, au mépris de la réglementation municipale [pdf] et de la circulation en sécurité des piétons. Sur les trottoirs les plus étroits, le cheminement est véritablement contraint et empêche le passage d’un fauteuil roulant, ou compromet celui d’un déficient visuel avec canne ou chien.
Jusqu’à il y a quelques semaines, je ne signalais que les tréteaux dangereux ou contraignant de manière majeure le cheminement des piétons. La police municipale étant insensible à mes signalements alors que le conseil de Paris venait de voter le code de la rue, j’ai décidé de mettre le paquet et de signaler tous les tréteaux considérant que le règlement des étalages et des terrasses de la Ville indique que le dépôt de ces tréteaux est interdit sans mention de leur caractère gênant ou pas. Je vous passe les différents épisodes entre des échanges de mails, quelques microbillets Twitter et autres alertes auprès d’autorités compétentes. Au final, je constate que la police municipale a fini par intervenir là où j’ai fait l’essentiel de mes signalements. De nombreux tréteaux ont été rangés, quelques-uns restent encore, certains commerçants préférant payer, plusieurs fois pour certains, l’amende de 135 € plutôt que d’appliquer le règlement (c’est dire l’argent qu’ils gagnent ; les pôvres !)
C’est dans ce contexte que j’ai remarqué un gentil commerçant qui n’a pas trouvé mieux que de replier ses tréteaux pour les appuyer contre sa devanture. Je voulais faire une photo pour ce billet ; le commerçant m’a repérée et a commencé à me houspiller sur le thème « Je sais pourquoi vous faites des photos. » (Quand on fait un signalement par l’application de la Ville, il faut effectivement faire des photos.) Très vite, le ton est monté : il m’a accusée de lui faire perdre de l’argent (le prix de l’amende ?) avant de me dire que je manquais de respect à l’égard de son travail. Je n’ai pas répondu à ses invectives. Une amie qui m’accompagnait a essayé d’engager la conversation pour lui expliquer que le règlement était le règlement et qu’il s’agissait bien de préserver la sécurité des piétons notamment déficients visuels. Le gentil commerçant n’a rien voulu entendre : l’agresseur, c’était moi, le tout sur fond d’injures larvées.
C’est une situation assez fréquente quand on fait remarquer à quelqu’un qu’il contrevient à une réglementation : il a toujours une bonne raison de le faire, et si on a le malheur de défendre l’intérêt général, en l’espèce le règlement des étalage et terrasse, le méchant est tout désigné. J’ai déjà eu droit aux foudres d’un commerçant dans le quartier de Montparnasse après que j’ai fait tomber un de ses tréteaux qui était au milieu du cheminement et qui m’avait carrément insultée au point que j’avais appelé ce qui tenait lieu alors de police municipale.
Dans le cas de notre gentil vendeur de CBD…
— Crétin, bête et débile ?
Caddie ! Je t’accorde que sa marchandise lui porte sur le système : quand j’ai pris la photo, il a remonté les tréteaux pour qu’ils reposent sur la marche à l’aplomb de sa vitrine ; chaque fois que je passe depuis, je remarque qu’il les pose de nouveau sur le trottoir, offrant une prise au piéton maladroit… ou malvoyant. À force, quelqu’un va se prendre les pieds dedans… Suspense !
L’on revient sur le faisceau d’idée de la lute entre la collectivité et individualité.
🙂
Je regrette ne plus avoir le temps de lire vos billets à chaque publications, mais je me rends compte en contrepartie que j’ai un meilleure perception globale à lire plusieurs billets d’affilés, je peux mieux faire le lien entre chacun.