J’ai assisté pour la première fois au conseil de Paris dans les tribunes du public le 8 juin dernier à l’invitation de Célia Blauel. Je n’avais pas prémédité la chose mais était en discussion des délibérations sur la politique de la Ville en matière de handicap. Le public a obligation de bien se tenir. Je me suis donc bien tenue, mais je dois avouer que ça a été assez difficile de garder mon calme face au discours des élus notamment ceux de la majorité municipale que pourtant je soutiens.
Pour faire court, il semble que faute d’une véritable politique d’accessibilité et d’un retard endémique impossible à rattraper, l’exécutif municipal concentre son action sur les aidants et sur les associations qui occupent les personnes handicapées. Je dis bien « qui occupent » car je vous laisse imaginer ce que serait votre vie si l’on ne vous proposait que de faire de la poterie, en journée bien sûr puisque vous ne travaillez pas, et un petit peu de remise en forme sans aucun contact avec le monde extérieur. J’ai remarqué également que dès qu’il est question d’accessibilité, c’est-à-dire de ce qui permet aux personnes handicapées d’être autonomes, on ne parle plus que de PMR, dans un sens qui n’est pas le bon puisque cela se résume aux UFR.
Et pendant ce temps, la Ville continue à ne pas avoir un site accessible à tous les types de handicaps, à diffuser exclusivement des PDF qui, dans le meilleur des cas, sont lisibles par des lecteurs d’écran mais certainement pas par les personnes en basse vision, à considérer que les commerces ont bien le droit d’occuper les trottoirs à leur guise sans que la police municipale ne fasse appliquer le règlement idoine, etc. Il est vrai que la valorisation des 11 millions d’aidants par plusieurs intervenants et des associations gestionnaires que l’ONU elle-même considère comme non représentatives des personnes handicapées, permet à la collectivité publique de se dédouaner de toute action.
J’entends dire que les aidants doivent avoir du répit. Je n’ai pas entendu dire que les personnes handicapées pouvaient aussi en avoir ras la casquette de leurs aidants et qu’elles préféreraient pouvoir agir en toute autonomie plutôt que de devoir systématiquement réclamer aux uns et aux autres sous prétexte que notre société n’accepte pas qu’une personne handicapée soit une personne qui a des droits et peut aspirer à une vie en toute liberté. Quant aux activités qu’on leur propose, je ne peux que m’interroger : qui sommes-nous pour être réduits à faire du macramé au fin fond d’un IME avec une visite par an lors du mois parisien du handicap, le reste du temps entre nous, invisibles, tellement nous sommes, j’imagine, les parias de l’humanité validiste.
Je sais, mes mots sont très durs mais c’est exactement ce qui se passe et ce que j’ai entendu dans ce conseil de Paris : des élus mal à l’aise, qui recrachent un discours préfabriqué ou les mots n’ont plus de sens, où les handicapés sont des petites marionnettes qui permettent à de nombreuses associations de vivre grassement des deniers publics en jouant de la culpabilité ambiante. J’ai le privilège d’appartenir à cette petite frange des personnes handicapées qui vivent seules et qui ont pu s’affranchir du système coercitif de prise en charge institutionnelle. À ce titre, ma responsabilité est grande et il n’est pas question que je cautionne ce que j’ai entendu. Tel est le sens de mon indignation. Quant à sa portée…
Le vendredi 23 juin, j’étais invitée à une conférence dans le cadre du mois parisien du handicap. Cela a duré trois heures, on m’a donné la parole six minutes avant la fin après trois interventions de personnes valides de 50 minutes. J’ai choisi de ne pas la prendre en résistance à cette violence qui m’a été faite, et à travers moi à toutes les personnes handicapées même à ce monsieur déficient visuel qui m’a insultée à cette occasion. Je vous invite à surveiller le blogue. J’y écrirai prochainement ce que j’ai vécu.