Mi-janvier, j’ai trouvé un petit papier A6 dans ma boîte aux lettres. Je l’ai scanné pour le rendre lisible : il s’agissait d’un avis de passage de l’agent recenseur. Je me suis fait lire le numéro de téléphone manuscrit au stylo bleu et ai laissé un message. Un monsieur m’a rappelé, a débité son texte avant que je ne puisse lui expliquer que je suis déficiente visuelle et demander si le site était accessible. Il n’en savait rien et m’a promis de me rappeler, ce qu’il a fait pour me dire que sa cheffe prenait le relais.
J’ai reçu dans la foulée un appel d’une dame se présentant comme travaillant à la mairie. Elle commence à me poser des questions pour remplir le questionnaire à ma place. Je l’arrête illico : il me semble hors de propos de fournir des informations personnelles par téléphone à quelqu’un dont je ne peux m’assurer la qualité. Elle en est contrariée. Elle m’envoie par mail mes identifiants pour aller sur le site, et trois fichiers PDF, précisant « Suite aux informations reçues nous avons complété les premières données » (lesquelles ?) et « Si vous rencontrez des difficultés n’hésitez à revenir vers nous. »
Je lui réponds ceci, avec en copie, le médiateur de la Ville de Paris, l’élue en charge du handicap de mon arrondissement et la directrice générale des services.
« * Je ne vois pas dans votre mail de lien sur le site… je l’ai trouvé.
« * Je ne distingue pas dans votre mail le logue du mot de passe.
« * Je remarque sur le site que le taux de conformité RGAA est de 39%… cela augure mal de la suite.
« * Je ne sais pas quoi faire des documents que vous m’envoyez. Ce sont des pdf images ; je ne peux pas les lire ; je ne peux pas y écrire.
« Vous m’avez indiqué au téléphone « ne pas vouloir me déranger par la visite d’un enquêteur » sans vous enquérir de ce qui me dérange ni de ma disponibilité sur l’instant, m’invitant d’emblée à répondre par téléphone (numéro masqué) sans aucune garantie contre la fausse qualité et la confidentialité de mes données. Ce qui me dérange, c’est d’être mise dans une situation de discrimination car les outils de ce recensement ne sont pas accessibles et ne respectent donc pas la loi de 2005 et les décrets afférents.
« Ceci n’est pas le fait de la mairie de 14e. Par contre, ce qui l’est, c’est que ses agents recenseurs soient informés qu’il existe 1,7 million de déficients visuels (dont certains vivent seuls), que des solutions adaptées soient à leur disposition, que l’on ne me propose pas de fausses solutions qui témoignent de la méconnaissance absolue de vos services des règles élémentaires d’accessibilité qui ne font que renforcer la situation d’exclusion dans laquelle cette procédure me place.
« Le site de l’INSEE indique que je peux saisir le Défenseur des droits pour que mon droit au recensement soit mis en œuvre dans des condifions d’accessibilité non discriminantes. Je vous laisse me dire si c’est la seule solution (j’ai aussi celle du médiateur de la Ville de Paris) ou si la mairie du 14e peut m’en proposer une autre. »
Et après… Rien.
Je n’ai eu aucune réponse à mon mail, et n’ai donc pas été recensée sauf si les services de la mairie du 14e se sont arrogé le droit de tout remplir à ma place. Je sais « par la bande » que les services n’ont pas compris ma demande. Elle était pourtant simple : appliquer la loi et, comme l’indiquer service.public.fr, « Si vous le souhaitez, [l’agent recenseur] peut vous aider à les compléter. » Cela ne m’a pas été proposé.
Le temps qui passe trop vite m’a détournée de ces questions et j’ai raté les délais pour saisir le Défenseur des droits. Le recensement étant obligatoire, j’encours une amende pour ne pas y avoir répondu. Je vais faire suivre ce billet au bureau du recensement de la Ville de Paris pour réclamer cette mise à l’amende ; je me réjouis déjà de la procédure qui s’en ensuivrait.