Les violences contre la police (qui n’en manque pas également) voire contre des élus et manifestants, les dégradations d’établissements financiers, de certains commerces, les feux de poubelles, les jets de pierre, de cocktails Molotov (un Kamarad !)… lors du défilé du Premier Mai, à Sainte-Soline ou ailleurs font les choux gras du personnel politique, des médias et des commentateurs professionnels. Je remarque, avec le sourire, j’avoue, que les auteurs de ces faits ne sont jamais nommés pour ce qu’ils sont : j’entends parler de « voyoux », de « casseurs », de « black blocs ». En résumé, les appels à l’ordre (dont le communiqué du PCF en lien ci-dessus est un petit bijou) ont besoin d’un adversaire qui sème le désordre, mais un désordre de délinquants, pas un désordre politique : la chose serait tellement insupportable !
Je remarque également que d’aucuns s’insurgent contre l’incapacité de l’État (du gouvernement) à faire cesser ces violences en dépit de dispositifs policiers de plus en plus « musclés » : effectifs surdimensionnés, quads et Brave-M, drones, gardes à vues massives, arrêtés préfectoraux arbitraires, intimidations diverses et variées… arguant que ces groupes de coquins sont en petit nombre, parfaitement identifiés en dépit de leurs visages masqués et que, quand même, l’ordre public vaut bien quelques atteintes aux libertés si tant est, tout de même, qu’il soit rétabli ; ce qu’il n’est pas (ne serait pas) pour celles et ceux qui pensent que ces violences de quelques heures sont un désordre intolérable.
Je suis une activiste non violente qui considère que l’action directe violente n’est pas un mode d’action politique acceptable. Je n’y participe pas. Je ne le cautionne pas. Par contre, je crois utile d’appeler un chat un chat, et un partisan de l’action directe violente un activiste politique dont l’objet est de créer un désordre de nature à provoquer une insurrection populaire. Qu’il soit anarcho-syndicaliste, libertaire, trotskiste, léniniste, j’en passe et des plus minoritaires encore ne change rien à l’objectif : faire exploser le capitalisme en tant que système politique : j’ai nommé la révolution !
Pourquoi alors chacun s’évertue-t-il à ne pas les nommer ? J’y vois deux raisons :
* La première est que ce serait reconnaître que l’ordre politique qui nous opprime serait susceptible d’être remplacé par un autre, ce qui est insupportable à gauche comme à droite : la première car elle pense que le réformisme est la seule voie possible (comme si on pouvait « aménager » l’oppression…) ; la seconde car elle est par nature réactionnaire.
* La seconde raison est que la République n’est en rien en danger mais que faire croire le contraire autorise les politiques liberticides et autoritaires pour le plus grand bénéfice de l’ordre bourgeois, hétérosexiste, raciste et validiste ; le désordre mis en scène comme désordre délinquant et non politique est parfait pour museler toute contestation globale et que chacun rentre dans le rang.
Suis-je en train de dire que ces violences sont entretenues par un pouvoir politique (celui qui est en place mais aussi l’opposition parlementaire) qui agite le chiffon rouge pour faire diversion ? Je le crois, autant que je crois qu’une révolution sourde, non violente, puissante est en cours : celle que nous impose le réchauffement climatique et l’épuisement des ressources. Partout, des citoyens, pressés par des contraintes économiques, climatiques, conscients de l’inéluctable fin de la consommation de masse font leur « petite révolution », consommant autrement, refusant le travail tel que la société capitaliste le conçoit, agissant ça et là pour prendre leur vie en main, défendre leurs droits, agir sur leur environnement immédiat.
Sont-ils si minoritaires ? Peut-être. Peut-être pas. Et cette révolution-là ne peut que se faire : c’est le sens de l’histoire sauf à accepter les pires scénarii de science-fiction qui réduisent l’homme à un pauvre hère qui se débat dans un désert de poussière face à des robots tout-puissants. Je n’y crois pas une seconde ; et je regarde avec sérénité la classe politique se faire peur devant le spectacle bien organisé d’une violence politique dont elle tait délibérément le nom. Si on se met à parler révolution au journal du soir, l’idée devient banale ; cela crédibilise du même coup celles et ceux qui la font, au quotidien, sans violence, juste en pensant le monde autrement.
Quelle drôle d’idée ? Penser. C’est sûr que cela fait de moins belles images qu’un feu de poubelles !