[Blogue V1 2010-2022 – Réédition]
Je vous avais épargné mon dernier passage en bureau de poste tant le validisme se répète et me fatigue ; mais c’est mon quotidien, et puis, certaines fois, mes interlocuteurs me donnent au final l’impression d’être réellement indignés des situations dont ils ont la responsabilité.
Depuis que j’ai récupéré une balise qui déclenche les feux sonores, je la laisse dans ma poche. Cela fonctionne de manière aléatoire sur les feux, et réserve parfois de bonnes surprises : à l’entrée des bureaux de poste, par exemple, elle se déclenche pour me dire où je suis et décrire le cheminement. Dans le mien, le haut-parleur est mal réglé. Il fait un boucan d’enfer… sans que cela ne fasse sourciller les agents qui accueillent les usagers (ils sont désormais debout vers l’entrée et plus derrière des guichets).
J’avais ainsi passé un bon quart d’heure au guichet mi-septembre, toute balise hurlante, sans que personne ne bronche… dans ce que j’avais pu observer ; mais j’étais loin de l’entrée. Ce 20 septembre dernier, je dois poster un courrier suivi. J’entre canne en main, la balise se déclenche, un agent s’écarte devant moi sans rien me demander. Je vais à la machine à affranchir la plus près de la porte (deux mètres environ). J’utilise ma mémoire et le zoom du téléphone pour la faire fonctionner, elle n’est pas très lisible.
Cela prend un certain temps. La balise tourne en boucle. Des usagers intrigués s’en font la remarque à haute voix puis trois agents se collent vers la porte, analysant la source du vacarme. Le haut-parleur est très vite identifié. Ils s’interrogent pour savoir comment le mettre hors service sans se demander pourquoi il s’est mis en marche. Je prends mon temps pour qu’ils aient celui de turbiner. La solution s’impose : il faut le casser. Je termine mon opération. Un des trois agents est encore là.
— Bonjour, monsieur, vous semblez être dérangé par cette bande sonore.
Il confirme.
— Mais savez-vous pourquoi elle s’est déclenchée ?
Il ne sait pas.
Je lui montre la canne, lui explique que si elle est blanche c’est le signe que je suis déficiente visuelle. Je sors la balise de ma poche, lui explique le fonctionnement et conclus.
— La prochaine fois que vous entendrez cette bande-son, plutôt que de chercher à casser le haut-parleur, vous chercherez le déficient visuel qui vient d’entrer et lui proposerez votre aide.
Il bafouille je ne sais quoi. Je m’en vais. Tout le temps de notre conversation (mon monologue en fait), j’ai eu l’impression de parler dans le vide, que mon interlocuteur était si loin de ce que j’expliquais qu’il ne pouvait comprendre. J’ai fait un microbillet Twitter en rentrant, puis une réclamation en bonne et due forme à la suggestion de @lisalaposte. Je n’ai en fait rien « réclamé », juste porté à la connaissance de La Poste cet épisode peu glorieux pour ses agents.
À ma grande surprise, la réponse est venue vite, signée de la directrice du bureau concerné. Au-delà des poncifs sur la « politique d’accessibilité », j’ai senti comme l’expression d’un certain désespoir de sa part, celui d’une cheffe qui, en dépit de ses efforts, n’arrive pas à faire passer un certain nombre de messages à ses agents. Je l’ai remerciée avec grande courtoisie ; il n’est jamais vain d’encourager celles et ceux qui tentent de rompre avec la logique validiste, même quand ça ne marche pas.