Mon fils va bien

À l’occasion d’un micro-trottoir sur le rapport des Français·es avec la chose politique, une femme a déclaré ne pas s’intéresser à l’actualité, ne pas la suivre, avec cet argument : « l’important pour moi est que mon fils va bien ». Je m’en réjouis pour cette dame et pour son fils. Je comprends également que l’on puisse totalement se désintéresser de la chose politique quand il se joue un jeu dans lequel on perçoit mal l’intérêt général.
L’article 4 de la Constitution décide que « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage ». Malheureusement, les échanges entre leurs responsables et les médias d’information grand public limitent ce concours aux commentaires sur les ambitions personnelles des uns et des autres. Et pendant ce temps, je comprends que l’on puisse se demander à quoi il peut servir de participer, de voter, considérant qu’ensuite tout semble nous échapper.
Je ne renonce pas pour autant à la démocratie représentative. J’irai voter, quoiqu’il arrive, mais sans doute que mon vote sera de plus en plus blanc si les partis politiques et leurs représentants préfèrent le théâtre à l’action. Je ne renonce pas non plus à l’idée que l’on peut construire un système politique plus démocratique où l’ambition personnelle ne serait pas valorisée. Je ne renonce pas plus à la révolution écologique avec la conviction qu’il existe une voie démocratique pour faire la nique à l’ultralibéralisme.
Je conclurai à l’intention de cette mère de famille que, si elle veut vraiment que son fils aille bien, il va falloir qu’elle se mette à écouter les actualités et à se mêler de la chose publique car, si elle laisse faire, le système actuel va le broyer, ni plus ni moins. S’il a de la chance (est-ce une chance ?), il fera partie des plus riches, ceux qui, souvent par héritage, bénéficient des largesses de l’ultralibéralisme avec l’illusion du pouvoir.
La probabilité est certainement plus grande qu’il soit un travailleur pauvre, réduit à une consommation de masse peu satisfaisante et délétère pour sa santé comme pour l’équilibre de la planète, soumis aux aléas climatiques, à la dégénérescence des services publics, aux effets de la discrimination systémique et de la paupérisation organisée. Autrement dit, la politique de l’autruche me paraît ce qu’il y a de plus délétère. De là à considérer que l’ultralibéralisme l’encourage car un citoyen résigné est un citoyen démuni… Je le crains et c’est bien dommage pour le fils de cette dame.