Allez, maintenant que tout est fini, vous pouvez bien le dire : quand vous êtes venus voir des compétitions aux Jeux paralympiques, ou quand vous les avez regardées à la télé, que cherchiez-vous ? L’émotion d’un exploit sportif ou le spectacle d’une personne handicapée défiant les limites physiques ? Je sais, c’est un peu la même chose, au moins en apparence. Il n’y a en effet pas de différence entre le défi physique de sauter bien au-delà de 2 mètres avec deux jambes ou à 1,80 avec une seule.
Tout cela est littéralement extraORdinaire ! Et pourtant, regardez-vous ces deux exploits de la même façon ? Je ne le pense pas car le saut d’un valide renvoie directement à l’image de l’athlète alors que le saut sur un pied vous renvoie à votre propre corps : mon Dieu [interjection en option] ! que ferais-je si je n’avais qu’une jambe ?
Non ?
Allez, on est entre nous… et promis, je ne cafterai pas ! (quoique)
Je pourrais dire la même chose de tous les sports pratiqués lors des jeux paralympiques en m’appuyant sur tout ce que j’ai entendu, lu, constaté (je vous rappelle que je suis déficiente visuelle et que j’étais infiltrée au cœur même du dispositif, pour vous observer, bien sûr). Passé la joie ou la déception de la médaille (pour les Français·es uniquement, chauvin·es que vous êtes), je n’ai rien entendu de votre part des temps réalisés, des scores, des gestes techniques ; par contre, le maniement du ballon en aveugle, le gars en fauteuil sans bras, le sauteur sur une jambe, la posture du guide…
Je me réjouis, forcément, que vous ayez pu constater que les personnes handicapées savent faire de grandes choses. Leur plus grand exploit, pourtant, ce peut être se lever le matin, s’habiller, se préparer à manger, aller acheter son pain, travailler, aller au cinéma, prendre des vacances, … Tiens, d’ailleurs, vous êtes-vous jamais demandé comment j’ai pu écrire une quinzaine de livres (plus ceux qui ne sont pas édités), des billets, faire le la programmation de site, utiliser les réseaux sociaux, et mener toutes les activités qui sont les miennes. Quand vous m’écrivez, vous demandez-vous si votre mail est lisible pour moi, si je pourrai apprécier la photo ou le fichier joint ? Quand on se retrouve, vous êtes-vous demandé comme je fais pour vous trouver, justement ?
N’oubliez pas ! Tous les handicapés ne sont pas des sauteurs sur une jambe ; mais ils sont tous au moins aussi valeureux ; et vous, valides, n’êtes-vous pas valeureux ? J’espère que l’héritage de ces Jeux sera celui-là : que chacun reconnaisse la valeur de l’autre, quel qu’il soit et quelle que soit son action, ou sa non-action.