Je suis toujours très embêtée quand des personnes que j’ai connues enfant, adolescente ou jeune adulte refont surface, le plus souvent par le biais de messages sur les réseaux sociaux ou sur mon site. Le fait d’être facilement repérable via un moteur de recherche aide ces reprises de contact qui me mettent très mal à l’aise. Que dire ? Que répondre à quelqu’un qui ressurgit du passé en disant coucou comment vas-tu ? te souviens-tu ? Le temps est passé, et ce que j’ai pu vivre avec telle ou tel a forcément grande valeur dans mon histoire personnelle. Dans mon histoire… Mon présent est bien sûr fait de cette histoire. Et pourtant, je n’ai pas spécialement envie d’y revenir.
Je ne feuillette pas les albums de photos ; quand je tombe sur un courrier reçu il y a plusieurs années, mon premier réflexe n’est pas de le lire mais de le jeter. Je conserve de rares objets que j’associe à quelques personnes mais cela couvre les dix, quinze dernières années, jamais au-delà. Je me souviens par exemple que ma cousine m’avait proposé de me constituer un album de photos de famille. Je lui avais gentiment répondu que ça ne m’intéressait pas. C’est vrai que je ne vois pas grand-chose sur les photos mais je ne pense pas que ce soit la raison ; je ne cultive pas mes souvenirs. C’est tout.
C’est grave docteur ?
Je ne sais pas, je ne sais pas à quoi cela correspond, je ne sais pas ce que cela signifie. C’est ainsi. J’ai gardé mes agendas papier parce qu’il m’a semblé utile de les garder. Cela l’a été une fois pour écrire un texte. Mais mon petit doigt me dit que je ne vais pas tarder à les jeter (ce billet agit comme un déclencheur) car après avoir craint que les agendas numériques me privent de mémoire, je me suis rendu compte que je n’en avais pas besoin. Je garde dans ma boîte mail un certain nombre de correspondances car je sais que je ne me souviendrai pas d’un nom, d’un évènement si tel ou telle reprenait contact avec moi ou plus exactement avec Cy Jung, l’écrivaine.
Et après ?
La seule chose qui m’intéresse aujourd’hui c’est respirer chaque seconde, partager tout ce que je peux avec celles et ceux que j’aime, avec qui l’histoire est suffisamment présente pour que l’on s’en nourrisse encore. J’ai croisé dans ma vie tellement de gens tous extraordinaires. S’ils devaient être rassemblés là, il y en aurait trop. Est-ce que c’est pour cela que je ne cherche jamais à renouer avec le passé et que ma mémoire est très sélective, faisant revenir à moi les souvenirs dont mon présent a besoin, parfois les plus inattendus, jamais très longtemps ? Je laisse mon inconscient décider de tout ça, mon présent est déjà bien occupé.