Quand nous avons créé la Vie en Hétéronomie avec Isabelle, nous avons choisi d’illustrer nos billets sans décrire les photos ornementales ; quand les illustrations produisaient du sens, nous les décrivions dans le corps des billets. Ce choix de ne pas décrire ce qui ne produit pas de sens direct est contestable, toute image produit du sens autant que les déficients visuels ont droit au futile, et l’ornemental peut être beau et mériter le partage.
Ma déficience visuelle me permet d’avoir un accès visuel à l’image : je ne lis pas les infographies, je ne reconnais pas les personnes (même pas mes proches ou moi-même), mais je peux identifier la tour Eiffel, des fleurs, un ciel pictural… ou me tromper et prendre une vessie pour une lanterne. C’est sur Twitter que j’ai mesuré la frustration de ne pas savoir ce que représente une image, même quand cette image n’a qu’un but ornemental (comment le savoir si ce n’est pas dit ?) J’y ai ainsi très vite décrit les images que je publie, la taille des microbillets ne permettant pas d’y faire référence. J’y prends d’ailleurs un malin plaisir, utilisant désormais les mille signes disponibles pour appuyer mon message ou faire des blagues. Et je participe activement à la valorisation de la description des images via la touche Alt.
Pendant les législatives, j’en avais parlé à madame la maire de Paris qui décrit depuis ses images. Je n’ose imaginer qu’il y a là un lien de cause à effet, ce d’autant que le compte officiel @Paris n’en fait rien. Des élus, comptes institutionnels officiels et associations que je suis s’y mettent, ou ne s’y mettent pas, même ceux à qui j’ai montré la manip sur leur téléphone. J’avoue ne pas comprendre cette persistance à ne pas décrire, ce d’autant que le champ Alt permet d’ajouter des informations et que tous mes interlocuteurs ont un discours inclusif.
J’en suis, je l’avoue, meurtrie : mes amis politiques, les institutions de ma ville du quart d’heure et les associations dont je partage les buts seraient validistes ? Cela m’est insupportable. De plus en plus. Je suis ainsi attentive au moindre frémissement. Je remarque alors que la fonction première de la touche Alt échappe aux nouveaux convertis : décrire l’image aux déficients visuels, certains y mettant un copyright ou une redite du microbillet. Je prends l’exemple d’une très belle photo d’une élue pour qui j’ai affection et considération qui publie souvent de très belles photos…
La description de l’image est la suivante « Hommage aux Algériens massacrés par la Police lors de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961. Paris se souvient » Et ? Qui a-t-il sur la photo ? Des élus qui déposent une gerbe ? Une plaque commémorative ? Une foule qui manifeste ? Non. L’image représente un homme en veste de cuir, de dos (un policier ?) qui fait face à trois hommes accroupis le long d’un mur, les mains sur la tête. Je suis sûre qu’une personne valide peut dire plus, me faire partager l’émotion qu’elle a voulu partager dans le choix de cette photo. Pourquoi s’en priver ? Parce que la déficience visuelle exclurait de fait l’humain de l’émotion photographique ? C’est au texte de prendre la relève ; et qui nierait que le texte en est capable ? Pas cette élue groupie de Proust, pour sûr.
Quant au blogue, j’ai choisi par défaut de ne pas mettre d’image ; les billets republiés garderont la leur dont je rajouterai une description en arrière-guichet ; et quand cela se justifie, j’en mettrai une également décrite, comme dans ce billet destiné à dire que je n’en mets pas.