Est-ce que je suis fière d’avoir été volontaire pour les Jeux olympiques de Paris 2024 ? On me pose souvent la question depuis quelques jours et ma réponse est oui mais pas forcément pour les raisons que l’on croit. Je suis fière d’abord parce que j’ai su m’adapter à une situation complexe : assurer une mission qui n’en était pas une et qui n’était pas adaptée à ma déficience visuelle. J’en ai glissé quelques mots dans ce billet. J’y reviendrai sans doute. Mais ce n’est pas là la plus grande de mes fiertés car m’adapter au validisme ordinaire est finalement mon lot quotidien.
Je suis donc surtout fière d’avoir été capable quinze jours durant de défier la maladie et de m’accrocher à sa rémission pour être et apparaître en pleine possession de mes capacités physiques. J’ai l’habitude de rendre transparente à autrui ma déficience visuelle. Là, j’ai été capable d’être au monde sans que ma maladie ne me contraigne plus que ça dans mes activités et dans mes relations aux autres. Mon amour propre en est totalement satisfait. C’est absolument dérisoire en même temps que ce n’est pas rien : et c’est d’autant quelque chose que, huit jours après la fin de ses Jeux olympiques, j’ai été en contact direct pendant plusieurs heures avec le Covid, et que je ne l’ai pas attrapé.
J’atteins là une sorte d’acmé de la rémission ! J’ai l’immunité d’un nourrisson de 11 mois, avec un âge hématologique équivalent, je suis toujours avec un traitement de chimiothérapie per os, et mon métabolisme a été capable de résister à ce fichu virus qui nous pourrit la vie depuis quatre ans déjà ! C’est finalement encore plus dérisoire que d’avoir été capable d’être volontaire des jeux dans la mesure où je n’ai pas vraiment la main sur l’effet des médecines ; mais cela en dit tellement sur la capacité du corps humain à encaisser les traitements et à finalement renaître d’une maladie dont on ne guérit pas que cette envie de fumer que je contrains depuis vingt ans déjà avec l’idée que je prendrai ma prochaine cigarette pour mon 80e anniversaire a repris du poil de la bête !
Je n’ai jamais douté de la capacité sereine de mes médecins et soignants à me remettre debout ; je n’ai jamais douté de l’incapacité de ces molécules toxiques à faire la nique à quelques plasmocytes et autres chaînes légères ; je n’ai jamais douté et savoure d’autant aujourd’hui cette part qui a été la mienne et que je nomme tout simplement fierté. Pour combien de temps ? À minima celui d’une cigarette : vingt ans.