Dans les podcasts du British Council, il y a une séquence où il est demandé à un jeune homme ou une jeune fille quelle célébrité vivante ou décédée il ou elle souhaiterait rencontrer. Sur les quatre podcasts que j’ai écoutés, il y a eu Shakira, Angélina Joly, Jonathan Ive (j’ai appris plein de choses) et Bob Marley ; les filles ont désigné des filles ; les garçons des garçons ; tiens donc ! De mon côté, je me suis demandé quelle serait ma réponse à cette question. Le seul nom qui m’est apparu, sans discussion, sans réfléchir c’est celui de François Mitterrand.
Qui est-il pour moi ? me demanderait Tess, l’animatrice du podcast. Il est l’homme politique qui a relégué ma pensée anarchiste au rang de songe pour les longues soirées d’hiver et m’a donné à croire que l’action politique des exécutifs (nationaux et locaux) pouvait changer la vie.
Et pourquoi ai-je choisi de parler de François Mitterrand ? me demanderait Ravi, le second animateur. Parce que je crois qu’il a changé la vie ; on oublie trop ce qu’était la France des années 70, la France de Giscard, une irrésistible montée en puissance de l’ultralibéralisme avec des libertés individuelles et collectives réduites à la portion congrue. L’interruption de cette résistible ascension de l’ultralibéralisme n’a duré que trois ans ; je le regrette ; par contre, la reconnaissance des droits et des libertés a fait un bond prodigieux (en déclin progressif depuis un certain 11 septembre), dans la vie personnelle, mais aussi dans les relations sociales, dans la vie culturelle. François Mitterrand a réussi également à me faire m’intéresser à la France, moi qui chantais vaillamment avec Maxime le Forestier, « Je m’en fous de la France, on m’a menti, on a profité de mon enfance pour me faire croire à une patrie ». Je n’en suis pas devenue plus nationaliste que cela mais je me suis intéressée à notre histoire collective, à ce qui nous construit en tant qu’entité politique et sociale : la République. J’ai toujours été très légaliste, très préoccupée par l’intérêt général et ai nourri une culture d’action non violente. Je reste attachée à mes songes mais François Mitterrand les a rendus compatibles avec un engagement du quotidien aux côtés des élus et dans la défense de nos droits et libertés au sein de la République. Cela fait un mélange un peu étrange ; mais ça me va bien.
Et aurais-tu une question particulière particulière à lui poser ? conclurait Tess. Oui : à quel moment, Tonton, on a merdé ? C’est un peu cavalier comme formulation, j’en conviens. J’y aurais sans doute mis un peu plus de formes avec l’envie qu’il revienne mettre un peu de contenu et d’engagement dans le capharnaüm politique actuel, qu’il nous aide à reconstruire la gauche, une gauche antilibérale, une gauche socialiste et écologiste, une gauche en rupture avec le productivisme, une gauche qui s’appuie sur l’Europe pour changer la vie.