Je porte depuis longtemps une coupe très courte avec une couette au-dessus du crâne plus ou moins longue et dont la forme varie selon les saisons, son épaisseur…. Sarah, qui est très sensible au regard d’autrui, me dit souvent que l’on me regarde beaucoup. Elle disait cela avant que j’aie cette couette ; parce que j’avais les cheveux très courts ; parce que je suis blonde platine albinos, parce que… ?
En ce moment, après la repousse de mes cheveux post autogreffe, et grâce à la dextérité d’Isabelle, qui est ma coiffeuse préférée, cette couette est particulièrement jolie, bien verticale, formant selon les heures un palmier. J’ai parfois quelques remarques de jeunes gens, plutôt admiratif et sympathique, sur le thème « super la coupe » ! C’est toujours très gentil. C’est au moins comme cela que je le ressens, considérant que je n’ai pas accès à leur regard ni à leur mimique.
Cet après-midi, j’ai croisé un couple hétérosexuel d’une bonne cinquantaine d’années et l’homme s’est écrié « Joli palmier ! » avant de dire quelque chose que je n’ai pas entendu et que la femme ricane. J’ai bien senti que sa remarque n’était pas sympathique. Je n’ai pas eu le temps de répondre, je marchais vite et le temps que je prenne conscience de ce qu’il venait de dire, ils étaient trop loin pour que je puisse répondre sans crier.
Je ne sais pas ce que j’aurais répondu mais je reste surprise, voire affligée de ce nombre de personnes, si j’en crois ce que me dit Sarah, qui regardent ma couette avec autant d’insistance. À croire qu’ils n’ont jamais rien vu car, franchement, ça ne casse pas non plus trois pattes à un canard. À croire qu’ils n’ont rien d’intéressant à échanger et que leur vision du monde est suffisamment étriquée pour participer spontanément à cette vox populi qui stigmatise la moindre différence.
Je ne voudrais pas conclure ce billet sur une note aussi négative. Lors d’un cours de judo au printemps, des petites filles m’ont demandé à quoi me servait cette couette dressée sur la tête. Je leur ai répondu que c’était un moyen de communiquer avec les Martiens. Très rapidement, l’échange est devenu un peu vif : il y avait celles qui trouvaient c(h)ouette que l’on puisse ainsi communiquer avec les Martiens ; et les autres qui s’arrêtaient à l’idée que les Martiens n’existeraient pas. Je garde cet échange un merveilleux souvenir. Merci, les filles ! Je vous aime.