Espérance de vie sans incapacité

J’ai découvert dans un article de France Info la notion d’« espérance de vie sans incapacité ». Cet article ne donne pas de détails sur la manière dont est définie la notion d’« incapacité ». J’ai retrouvé la publication de DREES à l’origine de l’information. J’y apprends que ce sont des enquêtes qui permettent de définir l’incapacité, elle est celle que les personnes déclarent comme limitant leurs activités quotidiennes. La publication précise que ces chiffres ont été fortement influencés par les périodes de confinement, car l’incapacité dépend aussi de l’environnement : comme tout le monde était limité dans ses activités pendant les confinements, les personnes d’ordinaire limitées par la maladie ou le handicap faisaient, semble-t-il, moins la différence…
Ceci étant, je remarque que si l’on me posait la question eu égard à mon handicap visuel, je répondrais qu’il ne me limite pas dans mes activités. Si on me la posait par rapport à ma maladie et à l’opération de mes cervicales, là oui, je pourrais dire que cela me limite dans mes activités. La notion est donc bien aléatoire et dépend fortement de la manière dont chacun perçoit ses propres capacités, de ce qu’il attend de la vie, de ce qu’il peut faire, et bien sûr de l’environnement.
Aussi intéressante qu’elle puisse paraître, je trouve donc que cette notion est particulièrement biaisée dans sa mesure même si les résultats ne sont pas si surprenants : en clair, à partir de 75 ans, la probabilité d’une maladie ou d’une vieillesse invalidante est importante. On vient d’inventer l’eau chaude. Mais il y a plus grave, à mon sens : cet indicateur fait la différence entre une vie sans incapacité, sous-entendu pleine et entière, et une vie avec incapacité, sous-entendu moins bien que la précédente.
Il y a là l’expression d’un validisme qui ne dit pas son nom mais qui témoigne parfaitement du modèle culturel afférent à l’ultralibéralisme qui considère que la personne se définit par rapport à sa performance réelle ou supposée. Finalement, la personne avec incapacité est celle qui ne peut plus travailler (produire) et l’on voit poindre avec le recul de l’âge de l’espérance de vie sans incapacité la légitimation de celui de la retraite, donnant là aux exploiteurs de tous bords de bons arguments pour faire trimer toujours un peu plus longtemps.
Finalement, ce validisme à courte vue est bien dommage pour le système ultralibéral. S’il intégrait l’idée que toutes les personnes sont en capacité, quelle que soit la nature de cette capacité, et adaptait l’environnement, cela lui ferait plus de monde à exploiter, plus de travailleurs ; c’est déjà le cas en Esat ; le taux d’emploi des personnes handicapées montre qu’il y a encore de la marge. Un exemple ? J’ai bientôt 61 ans, j’ai été déclarée inapte au travail à 20 ans, apte à 5% (?) à 50 ans et je suis depuis le 1er janvier RQTH. Le grand capital va-t-il enfin vouloir m’exploiter ? Le suspense est intenable.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.