[Blogue V1 2010-2022 – Réédition]
Sarah voulait visiter le musée Delacroix ; elle adore les ateliers d’artiste. Nous y sommes donc allées. Une jeune femme nous a accueillies avec force gentillesse, comme souvent ces jeunes filles et gens qui travaillent l’été dans les musées. Sarah montre nos billets. Nous nous engageons dans l’escalier et mon bip déclenche une balise sonore « Bienvenue au musée Delacroix… » ; on s’en amuse avec Sarah ; c’est toujours une surprise quand mon bip actionne autre chose qu’un feu tricolore. J’entends une sorte d’agitation derrière moi ; je suis concentrée sur ma montée des marches, je ne me retourne pas.
Et c’est parti pour la visite… puis on quitte l’endroit en utilisant l’ascenseur cette fois. On passe donc devant le guichet et hop ! la balise reprend du service. J’écoute mieux le message. Il dit d’appuyer sur le bouton pour plus d’infos. Je suis en mode automatique. Je le désactive, relance le message et appuie pour avoir la suite. Sarah est arrivée près de la jeune femme qui nous a accueillies. Une sorte de confusion règne. Je comprends très vite que l’objet en est le message sonore que mon bip a déclenché.
Il me dit d‘appuyer encore. Ce que je. J’arrive au pied de l’escalier ; la jeune femme a rejoint la cour et d’autres jeunes agents d’accueil.
— (…) son fantôme (…).
Sarah m’aide à descendre les trois marches et nous rejoignons ces jeunes vacataires à l’évidence effarouchés. Je leur montre mon bip, explique à quoi cela sert, les rassure ; dans son talkie, l’un d’eux appelle la responsable du lieu qui nous explique que cela fait une heure que tous cherchent ce qui a pu déclencher le message par le haut-parleur qu’ils ont identifié, les plus jeunes pensant que le fantôme de Delacroix était revenu. La responsable (qui travaille au Louvre et est là en remplacement) m’indique qu’elle va se renseigner, que le musée a été rénové et que tout le monde a dû oublier cette balise…
Quand je pense à tout le foin que les uns et les autres font sur l’accès à la culture des « publics empêchés » sans qu’aucune information ne circule en interne sur les outils destinés à en guider certains. Quel gâchis, finalement ! Je me console en pensant au fantôme de Delacroix que j’ai réveillé d’un baiser électromagnétique. C’est pas tout ça mon gars, mais faut te remettre au turbin : peins ! L’art t’en sera reconnaissant.