La guerre et les crises majeures ne sont pas propices à sortir de l’urgence politique (et militaire) pour défendre des valeurs autres que la paix et la solidarité au service de l’ordre bourgeois, hétérosexiste, raciste et validiste ; les trois vont si bien ensemble. Serais-je en train de galvauder la mobilisation des uns et des autres pour la sauvegarde de nos démocraties ? Non point, mais forcément, je prends le risque que l’on m’en fasse le procès.
Je crains peu cela, je n’ai pas d’attache suffisante avec mes « amis politiques » pour que le regret de les perdre (c’est finalement déjà fait) me fasse renoncer. Je crains plus une récupération politique de mes adversaires (que je perds moins facilement que mes amis, c’est bon signe) ; c’est pour cette raison que je me suis tue jusqu’au vote de la loi sur le mariage pour tous, que j’ai cédé à l’urgence sanitaire ou que je m’exprime peu sur la campagne présidentielle.
Il reste néanmoins difficile de toujours faire semblant de n’avoir rien vu (j’y suis experte, forcément !), par exemple sur la question de la place des femmes dans cette guerre. J’ai bien conscience que cette question apparaîtra comme secondaire face à l’urgence militaire (militariste) ; et pourtant ! La guerre (qui la mène et pourquoi) n’est-elle pas l’acmé de la domination masculine ? J’en suis convaincue.
« Une guerre d’hommes, chefs d’État, ministres, ambassadeurs (31/40 sur la photo), militaires, marchands d’armes… Mais rangez donc vos petits fusils messieurs et leurs extensions explosives (car les originaux…) et construisez la #paix ! »
Je ne pense pas que les femmes soient plus que les hommes antimilitaristes ou pacifiste ; je n’ai par exemple vu aucune de mes camarades militantes féministes remarquer (et dénoncer ?) le fait que la mobilisation générale en Ukraine ne touche que « les hommes entre 18 ans et 60 ans », avalisant là l’idée machiste selon laquelle seuls les hommes ont vocation à se battre pour défendre leur pays ou conquérir celui du voisin. J’imagine volontiers que certaines se sont dit que l’urgence n’était pas à dénoncer cela ; j’en soupçonne la majorité de ne même pas s’en être fait la remarque (ce qui dit tout du poids de la « culture dominante » sur notre pensée).
Et pourtant… Il me semble démontré que cette guerre (et toutes les autres, militaires, économiques, culturelles, etc.), ont en commun la défense de l’ordre établi, si établi que plus grand-monde n’ose le remettre en cause : on sauve les dominants d’abord, on s’occupera de changer de modèle après. Combien de fois s’est joué ce scénario dans l’histoire ? Je suggère donc, en ce 8 mars, une mobilisation générale de toutes les femmes ukrainiennes et russes afin que les soldats retournent dans leurs foyers s’occuper de la marmaille tout en occupant les emplois de première nécessité à horaires décalés et salaires de misère, que les généraux, les ambassadeurs et les chefs d’État en fassent de même et que les femmes de l’Occident prennent également le pouvoir dans tous les endroits où cette guerre se joue (gouvernements, parlements, ambassades, direction des groupes pétroliers, militaro-industriels et agroalimentaires, etc.).
Les femmes seraient-elles capables de faire la paix et changer le monde ? Cela reste bien sûr à démontrer mais comme les hommes ont fait la démonstration qu’ils ne sont pas capables de faire autre chose que la guerre et renforcer les systèmes d’oppression, on ne risque pas grand-chose à tenter l’expérience. Hardies ! Pour construire la paix, ce n’est pas la grève que nous devons ; c’est le pouvoir qu’il faut prendre.